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à tous les dangers auxquels il avait échappé pendant sa route solitaire, et dont la lumière du jour lui faisait mieux voir toute l’étendue. Le soleil commençait à se lever et c’était pour Chrétien un nouveau motif de reconnaissance. Car, bien que la première partie de la vallée de l’Ombre de la mort fût dangereuse, celle qui lui restait à traverser était bien plus dangereuse encore : de l’endroit où il était, jusqu’au bout de la vallée, la route était tellement remplie de pièges, de trappes, de filets, de creux et de trous, que s’il avait fait obscur, comme auparavant, quand Chrétien aurait eu mille vies, il est probable qu’il les aurait toutes perdues ; mais, comme je l’ai dit, le soleil était levé, et le pèlerin s écria : « Il faisait luire son flambeau sur ma tête, et par sa lumière je marchais dans les ténèbres »[1].

Grâce à la clarté du jour, Chrétien parvint à l’extrémité de la vallée, où j’aperçus un endroit couvert de sang répandu. On y voyait aussi des os, des cendres et les cadavres mutilés de pèlerins qui avaient autrefois passé par là, et tandis que je cherchais à m’expliquer quelle pouvait être la raison de tout cela, j’aperçus devant moi une caverne qu’habitaient jadis deux géants appelés Pape et Païen, dont la cruauté et la tyrannie avaient occasioné tout ce carnage. Je fus surpris de voir Chrétien passer par là presque sans danger ; mais j’ai appris

  1. Job XXIX, 3.