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passer sous silence, c’est que le pauvre Chrétien avait tellement perdu la tête, qu’il ne reconnaissait plus sa propre voix. Voici comment je m’en aperçus : quand il fut parvenu vis-à-vis du gouffre de l’enfer, un des esprits infernaux le suivit, se glissa doucement derrière lui, et prononça tout bas à son oreille d’horribles blasphèmes, que Chrétien s’imagina avoir prononcés lui-même. Cela le rendit plus malheureux que tout ce qu’il avait souffert auparavant. Il lui était insupportable de penser qu’il vomissait des blasphèmes contre celui qu’il avait jusqu’alors tant aimé ; s’il avait pu s’en empêcher, il ne l’aurait assurément pas fait ; mais il ne pouvait ni se boucher les oreilles, ni concevoir d’où sortaient ces imprécations.

Après que Chrétien eut marché pendant quelques temps dans cet état d’angoisse et de misère, il lui sembla tout-à-coup entendre la voix d’un homme qui le précédait en disant : « Quand je marcherais dans la vallée de l’Ombre de la mort, je ne craindrais aucun mal, car tu es avec moi »[1].

Cela le réjouit beaucoup ! en premier lieu, parce qu’il en conclut qu’il y avait dans cette vallée d’autres personnes qui craignaient Dieu.

En second lieu, parce qu’il comprit que Dieu était avec ses enfants au milieu même de leur détresse[2].

  1. Ps. XXIII, 4.
  2. Job IX, 11.