revenir : si nous avions fait quelques pas de plus, c’était fait de nous.
Chrétien. Mais encore, qu’est-ce qui vous a tant alarmé ?
Les deux hommes. Nous allions entrer dans la vallée de l’Ombre de la mort ; quand, par bonheur, nous avons regardé devant nous et vu le danger auquel nous allions être exposés[1].
Chrétien. Qu’est-ce donc que vous avez vu ?
Les deux hommes. Nous avons vu la vallée elle-même, qui est horriblement sombre ; on n’y aperçoit que des spectres, des lutins et des dragons, habitants de l’abîme ; on y entend des gémissements et des hurlements continuels, comme ceux que pousseraient des malheureux chargés de chaînes et en proie au plus affreux désespoir ; la plus terrible confusion y règne, et la mort couvre toujours de ses ailes toute la vallée[2]. En un mot, on ne peut se représenter de lieu plus horrible que celui-là.
Chrétien. Rien de tout ce que vous m’avez dit ne me prouve que je ne doive pas passer par cette vallée pour arriver au port du salut[3].
Les deux hommes. Passez-y si vous voulez : quant à nous, nous n’en ferons rien.
Ils se séparèrent, et Chrétien continua sa route, tenant toujours son épée à la main, de peur d’être attaqué.