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nait à sa rencontre : son nom était Apollyon. À cette vue, Chrétien commença à s’alarmer, et à hésiter s’il irait en avant, ou s’il retournerait en arrière. Mais se souvenant qu’il n’avait point d’armure sur le dos, et que par conséquent s’il rebroussait chemin, il s’exposerait infailliblement à être percé par les dards de son ennemi, il résolut de l’attendre de pied ferme : car, se dit-il à lui-même, quand je n’aurais d’autre but que de sauver ma vie, encore serait-ce le meilleur parti à prendre. Il continua donc à marcher en avant, et se trouva bientôt en face à Apollyon. C’était un monstre épouvantable, dont le corps était couvert d’écaillés brillantes, semblables à celles des poissons ; il avait des ailes de dragon et des pattes d’ours ; de son ventre sortait du feu et de la fumée, et sa bouche était semblable à la gueule d’un lion. Il jeta sur Chrétien un regard de mépris, et lui demanda d’où il venait et où il allait.

Chrétien. Je viens de la ville de Perdition, qui est plongée dans le mal, et je vais à la cité de Sion.

Apollyon. Je vois que tu es un de mes sujets, car tout ce pays-là m’appartient : j’en suis le prince et le dieu. Comment as-tu osé te soustraire à l’autorité de ton roi ? Si je n’espérais pas que tu rentreras à mon service, je t’étendrais mort à mes pieds.

Chrétien. Il est vrai que je Suis né dans vos états ; mais vous étiez un maître dur, et il était impossible de gagner sa vie à votre service : car le salaire du