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rer comme je le leur avais annoncé, sans pouvoir les persuader. Ce que j’ai trouvé de plus difficile, c’est de gravir cette colline, comme aussi de passer devant la gueule des lions, et, sans le portier du palais, je crois vraiment que je serais retourné sur mes pas ; mais maintenant je rends grâces à Dieu de ce que je suis ici, et je vous remercie de m’avoir reçu chez vous.

Alors Prudence prit la parole à son tour. Ne pensez-vous pas quelquefois, dit-elle, au pays que vous avez quitté ?

Chrétien. Oui, mais c’est avec un sentiment de honte et d’horreur[1]. Si j’avais eu le moindre désir de retourner dans ma patrie, j’en aurais facilement trouvé l’occasion ; mais maintenant je désire une meilleure patrie, une patrie céleste.

Prudence. N’avez-vous emporté avec vous aucune des choses qui remplissaient votre cœur ?

Chrétien. Je n’en ai que trop emporté, mais Lien malgré moi. Je gémis surtout de retrouver encore en moi tant de ces mauvaises pensées dans lesquelles je me plaisais autrefois, et qui ne sont aujourd’hui pour moi que des sujets de douleur. Si j’en étais le maître, je les bannirais à jamais de mon esprit[2] ; mais lorsque je voudrais faire le bien, le mal est attaché à moi.

Prudence. Ne vous semble-t-il pas quelquefois que vous êtes parvenu à vaincre entièrement ces

  1. Heb. XI, 15, 16.
  2. Rom. VII, 21.