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jouira de la possession de ces biens, quand il ne restera à l’autre que honte et confusion.

L’Interprète. Précisément, et vous pourriez ajouter encore que la gloire du siècle à venir n’aura point de fin, tandis que tous les biens d’ici-bas sont passagers. Aussi, si l’un de ces enfants avait sujet de se moquer de l’autre, ce serait à Patience à se moquer de Passion. Mieux vaut avoir ses biens le dernier que le premier ; car le premier cédera au dernier ; mais le dernier ne cédera jamais à personne, puisqu’il n’y a personne qui doive le suivre. Ainsi, celui qui a ses biens le premier n’en jouit que pendant un temps limité ; mais celui qui les a le dernier les gardera éternellement, et c’est pourquoi il a été dit au mauvais riche : « Mon fils, souviens-toi que tu as eu tes biens pendant la vie, et Lazare y a eu des maux. Et maintenant il est consolé, et tu es dans les tourments[1]. »

Je vois, dit Chrétien, qu’il vaut mieux ne pas convoiter les biens présents, mais attendre patiemment ceux qui sont à venir.

L’Interprète. Sans doute, « car les choses visibles ne sont que pour un temps, mais les invisibles sont éternelles[2]. » Cependant, quoiqu’il en soit ainsi, nos penchants naturels sont si fort en harmonie avec les choses présentes, et nous avons de nous-mêmes si peu de goût pour les choses à venir, que bous nous attachons très-facilement aux unes, tan-

  1. Luc XVI, 25.
  2. 2 Cor. IV, 18.