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Sage-Mondain. C’est un très-mauvais conseiller. Il n’y a pas de chemin plus dangereux et plus difficile que celui qu’il vous a fait prendre. Vous ne tarderez pas à vous en convaincre, si vous suivez son avis. Je m’aperçois que vous en savez déjà quelque chose par expérience. Je vois encore la boue du Bourbier du Découragement attachée à vos habits. Or ce n’est là encore que le commencement des peines et des difficultés auxquelles sont exposés ceux qui suivent cette route. Croyez-moi, je suis plus âgé que vous ; vous trouverez sur ce chemin des douleurs, des fatigues, la faim, les périls, la nudité, l’épée, des lions, des serpents, les ténèbres, et enfin la mort même. C’est là une vérité certaine, confirmée par un grand nombre de témoignages. A quoi bon se précipiter dans un abîme de maux, pour suivre les conseils d’un étranger !

Chrétien. Hélas ! monsieur, le fardeau que je porte me cause bien plus de terreurs que toutes les choses que vous venez de me nommer, et quoi qu’il m’arrive en route, je crois que je pourrai tout supporter si j’obtiens d’en être déchargé.

Sage-Mondain. Comment en êtes-vous venu à sentir le poids de ce fardeau ?

Chrétien. C’est la lecture du livre que j’ai entre les mains qui m’y a conduit.

Sage-Mondain. Je m’en doutais. Il vous est arrivé ce qui arrive à tous les esprits faibles, lorsqu’ils veulent se mêler de choses au-dessus de leur portée ; ils s’égarent et tombent dans le découragement.