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rivière plus ou moins profonde, selon que vous aurez plus ou moins de foi au Roi de la Cité.

Alors ils descendirent dans l’eau ; mais en y entrant, Chrétien commença à enfoncer et à crier à son compagnon de voyage : J’enfonce dans les eaux profondes, et les vagues passent par-dessus ma tête. Aie bon courage, mon frère, répondit Grand-Espoir ; je sens le fond, et il est ferme. Ah ! mon ami, dit Chrétien, les frayeurs de la mort m’environnent ; je ne verrai pas le pays d’où découlent le lait et le miel ; et en même temps Chrétien fut saisi d’horreur et environné de ténèbres si épaisses qu’il ne pouvait rien distinguer devant lui. Il perdit connaissance au point de ne plus pouvoir se souvenir ni parler d’aucune de ces douces consolations qu’il avait goûtées pendant son pélérinage. Tout ce qu’il disait, au contraire, montrait quelle était la terreur dont il était saisi, et combien il craignait de périr dans la rivière, et de ne jamais parvenir à la porte de la Cité céleste. On voyait aussi qu’il était fort angoissé à la pensée des péchés qu’il avait commis avant et pendant son pélérinage, et tourmenté par l’apparition de fantômes et de mauvais esprits : tel était du moins ce qu’on pouvait inférer du peu de paroles qu’il prononçait. Grand-Espoir eut donc beaucoup à faire pour soutenir au-dessus des eaux la tête de son frère qui, malgré ce secours, était tantôt entièrement submergé, et tantôt se relevait à demi mort. Grand-Espoir s’efforçait aussi de l’encourager. Mon frère, lui disait-il, je vois la porte,