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Grand-Espoir. Puisque nous sommes sur ce chapitre, entretenons-nous un peu des motifs qui portent les gens de cette espèce à revenir sur leurs pas subitement, après s’être mis en route.

Chrétien. Cela pourra nous être très-utile : commencez par m’exposer ce que vous en pensez.

Grand-Espoir. Je vous dirai donc que la conduite de ces gens a, selon moi, quatre motifs principaux.

1° Leur conscience est bien réveillée, mais leur cœur n’est pas changé : c’est pourquoi, quand les craintes que faisait naître en eux le sentiment de leur culpabilité, s’évanouissent, le désir qu’ils avaient du ciels évanouit aussi, et ils reprennent le genre de vie auquel ils avaient paru renoncer.

2° Ils sont dominés par les frayeurs secrètes qu’ils éprouvent, je veux dire par la crainte des hommes ; car « la crainte qu’on a de l’homme fait tomber dans un piège »[1]. Ainsi, quoiqu’ils paraissent pleins d’ardeur pour les biens du ciel, aussi longtemps qu’ils se croient environnés des flammes de l’enfer, quand la terreur des jugements de Dieu n’agit plus autant sur eux, ils y pensent à deux fois avant de se convertir ; ils se disent qu’il ne faut pas manquer de prudence et s’exposer, pour des biens inconnus, à perdre tout ce qu’ils possèdent, ou à attirer sur eux, sans nécessité, une foule

  1. Prov. XXIX, 25.