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est. Il est si maussade, si bourru, si difficile à contenter, que ses domestiques ne savent comment s’y prendre pour le satisfaire, et osent à peine lui parler. Les marchands qui le servent disent qu’on aurait meilleur marché d’un Turc que de lui ; car il fait toujours tout son possible pour tromper et friponner ceux qui ont à faire à lui. Enfin, il instruit ses enfants à marcher sur ses traces, et s’il découvre chez l’un d’eux quelque sot scrupule (c’est ainsi qu’il nomme toute apparence de délicatesse de conscience), il les appelle des nigauds et des imbéciles ; il ne peut ni leur donner de l’occupation lui-même, ni les recommander à d’autres. Quant à moi, je crois que par son indigne conduite, il a été pour beaucoup de gens une, pierre d’achoppement et de scandale, et que si Dieu n’y met obstacle, il sera encore cause de la perte d’un grand nombre d’ames.

Fidèle. Vous m’étonnez, mon frère ; mais je ne puis me refuser à croire ce que vous dites ; car il m’est impossible de supposer que vous vous exprimiez ainsi sur son compte par aucun sentiment de malveillance.

Chrétien. Si je ne l’avais pas connu depuis longtemps, j’aurais pu me former de lui la même opinion que vous. Bien plus, si ce que je vous dis de lui m’avait été rapporté par des ennemis de la religion, j’aurais traité ces propos de médisances (car je sais que c’est souvent le sort des hommes de bien d’être calomniés par les méchants) ;