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l’accent de la douleur : « Que faut-il que je fasse »[1] ?

Dans cet état, il retourna chez lui, et se contraignit aussi long-temps qu’il en fut capable devant sa femme et ses enfants, de peur qu’ils ne s’aperçussent de son angoisse. Mais, comme sa tristesse allait toujours en augmentant[2], il ne lui fut bientôt plus possible de garder le silence, et il leur parla en ces termes :

« Ma chère femme, et vous, mes chers enfants, ayez pitié de moi, car je succombe sous le poids du pesant fardeau qui m’accable. Je sais d’ailleurs, à n’en pouvoir douter, que la ville que nous habitons va être consumée par le feu du ciel[3], et que nous serons tous, sans exception, victimes de cet épouvantable embrasement, si nous ne trouvons pas un asile pour nous même à couvert, et, jusqu’à présent, je ne vois aucun moyen d’échapper au danger. »

Ce discours surprit au dernier point tous les membres de sa famille[4], non pas qu’ils ajoutassent foi à ce qu’il disait, mais ils s’imaginèrent qu’il avait le cerveau troublé, et que c’était ce qui lui mettait ces étranges idées dans l’esprit. Espérant que le repos contribuerait à lui rendre la raison, ils l’engagèrent à se mettre au lit ; mais au lieu de dormir, il passa la plus grande partie de la nuit à soupirer et à verser des larmes, et le lendemain matin, quand

  1. Act. XVI, 30.
  2. 2 Cor. VII, 10.
  3. 2 Pier. III, 7-10.
  4. I Cor. II, 14.