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CHAPITRE XX


Je finissais de déjeûner, le lendemain matin, et je pensais à cette scène de la nuit dernière, lorsqu’on annonça lord Vincent.

« Comment va le galant Pelham ? me dit-il en entrant.

— À dire la vérité, lui répondis-je, je suis encore ce matin sous l’influence d’idées noires, et votre visite vient comme un rayon de soleil en novembre.

— Voilà une pensée brillante, dit Vincent, et je m’en vais bientôt faire de vous un joli petit poëte ; faites-vous seulement éditer en un gentil volume in-octavo avec une dédicace à lady D. À propos, avez-vous jamais lu ses pièces ? Vous savez qu’elle ne s’est fait imprimer que pour ses amis.

— Non ! » dis-je.

À la vérité, Sa Seigneurie aurait pu m’interroger sur n’importe quelle œuvre littéraire, j’aurais cru manquer à mon rôle si je n’avais fait la même réponse.

« Non ? répéta Vincent, permettez-moi de vous dire que vous devez toujours avoir l’air de connaître un livre qui n’a pas été livré au public. Pour être admiré, il faut toujours savoir ce que les autres ne savent pas, et l’on a par ce moyen toute liberté de déprécier la valeur de ce que les autres savent. Ne restez pas dans l’antichambre de la science. Là vous êtes exposé à vous rencontrer avec tous les commençants. Vantez-vous d’avoir accès dans le sanctuaire, et il n’y aura pas une personne sur mille qui ose discuter avec vous. Avez-vous lu le dernier pamphlet de M. de C. ?