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CHAPITRE XIX


Je dînai le lendemain aux Frères Provençaux (un excellent restaurant, par parenthèse), où l’on vous sert du gibier irréprochable, et où l’on rencontre peu d’Anglais. Après dîner, je me mis à courir les tripots dont le Palais-Royal est rempli.

Dans une de ces maisons, la foule et la chaleur étaient telles, que je me serais retiré immédiatement si je n’avais été frappé de l’expression d’intérêt puissant peinte sur le visage de l’un des spectateurs, à une table de rouge et noire. C’était un homme d’environ quarante ans, au teint blême ; ses traits étaient bien accentués et de ceux que l’on appelle généralement : beaux traits. Mais il y avait dans ses yeux et dans sa bouche une expression sinistre, qui donnait à sa physionomie un air plutôt désagréable qu’engageant. À peu de distance de lui, et jouant, avec un air d’insouciance et de nonchalance qui faisait un remarquable contraste avec l’anxiété douloureuse de l’autre, était assis M. Thornton.

À première vue, on s’apercevait qu’ils étaient, avec moi, les seuls Anglais présents dans cet endroit. J’étais encore plus frappé de l’attitude du premier de ces personnages que de la présence en ce lieu de M. Thornton : il y avait dans l’air de cet étranger quelque chose de distingué qui jurait avec le milieu où il semblait s’être fourvoyé. Au contraire, les allures et le costume de mon ci-devant second s’y trouvaient mieux à leur place.