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lent et très-désireux de s’instruire. Il a l’intention de publier ses observations sur Paris ; je suppose que nous aurons là un admirable complément aux Lettres Persanes de Montesquieu !

— Je le voudrais bien, dit Vincent, il n’y a pas de meilleures satires des pays civilisés que les observations des visiteurs moins avancés. Au contraire les voyageurs civilisés, en nous décrivant les mœurs des sauvages, au lieu de nous faire concevoir du mépris pour les gens qu’ils visitent, font tomber la satire sur les visiteurs mêmes. Tacite n’aurait pas pu imaginer une satire plus belle et plus noble de la dépravation de Rome, que celle qu’il laisse entrevoir dans son traité de la simplicité des peuples Germains.

— Quel est, dit monsieur d’E. (un intelligent ci-devant), votre écrivain politique le plus estimé ?

— Cela est difficile à dire, répondit Vincent ; autant de partis différents, autant d’idoles ; mais je pense que je puis m’aventurer à nommer Bolingbroke comme l’un des plus populaires. On aurait peine à trouver un nom plus souvent cité et discuté que le sien. Cependant ce n’est pas par leur valeur politique que se recommandent surtout ses écrits politiques ; ils renferment des sentiments élevés, et des vérités de premier ordre semées çà et là. Mais il écrivait à une époque où la législation, fort débattue, était assez mal entendue, et considérée plutôt comme un admirable expédient du moment que comme une œuvre parfaite en elle-même. La vie de Bolingbroke est plus instructive que ses écrits ; et l’auteur qui nous donnera une biographie complète et impartiale de cet homme extraordinaire, comblera une des plus importantes lacunes de la littérature philosophique et politique de l’Angleterre.

— Il me semble, dit monsieur d’E., que ce qui manque surtout à votre littérature, ce sont les biographies ; n’êtes-vous pas de mon avis ?

— Sans aucun doute ! répondit Vincent, nous ne possédons pas un seul ouvrage qui puisse être considéré comme un modèle de biographie (si ce n’est peut-être la vie de Cicéron par Middleton). Ici se présente une remarque que j’ai souvent faite en comparant nos philosophes avec les vôtres.