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cités possibles, criant, et nous donnant en spectacle, un nouvel arrivant entra, s’approcha de nous, chercha partout des yeux un siège et, n’en voyant pas de libre, il s’avança tranquillement vers notre table. Il me dit alors : « Ha ! M. Pelham, comment cela va-t-il ? Voilà une bonne rencontre, avec votre permission je vais prendre mon grog à votre table. Je ne vous gêne pas, j’espère — plus on est de fous, hein ? Garçon, un grog, pas trop faible, entendez-vous ? »

Inutile de dire que ce beau discours sortait de la bouche de M. Tom Thornton. Il était à moitié pris de vin, et ses petits yeux perçants tournoyaient dans sa tête comme un tourbillon. Dartmore, qui était et qui est encore le meilleur garçon de la terre, salua l’ivresse de notre nouveau camarade comme un franc-maçon qui rencontre un frère, et lui fit place à côté de lui. Je ne pus m’empêcher de remarquer, à part moi, que Thornton paraissait moins soigné qu’autrefois. Son habit était percé au coude, son linge était sale et déchiré ; on ne voyait plus chez lui aucun vestige de cette recherche de mauvais goût qui était alors l’un des traits les plus saillants de son caractère. Il avait également perdu en grande partie cette santé florissante qui brillait jadis sur son visage ; ses joues étaient creuses, ses yeux enfoncés, son teint plombé malgré la rougeur que l’intempérance répandait en ce moment sur sa face. Néanmoins il était en verve, et il devint bientôt si amusant que Dartmore et Tringle furent enchantés de lui.

Quant à moi, l’antipathie que j’éprouvais pour cet homme me dégrisa et me rendit silencieux le reste de la nuit. Aussi comme Dartmore et son ami parlaient de se faire présenter à des dames de la connaissance de Thornton, et dont celui-ci disait le plus grand bien, je me séparai d’eux, et, tant bien que mal, je pris le chemin de la maison.