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CHAPITRE L


Nous suivîmes notre étrange ami hors de la boutique au milieu de la foule où il se faisait faire place en jouant des coudes. Il montrait le dédain le plus aristocratique et ne s’inquiétait aucunement des quolibets qu’on se permettait sur son costume et ses manières. Nous ne fûmes pas plus tôt sortis qu’il s’arrêta tout court au milieu du ruisseau, pour nous offrir son bras. C’était là un honneur dont nous n’étions point du tout jaloux, car sans parler de l’extérieur sordide de M. Gordon, il s’exhalait de ses vêtements une certaine odeur qui était peut-être supportable pour leur propriétaire, mais qui ne l’était guère pour ses voisins. Aussi, feignant de n’avoir pas compris son invitation, le priâmes-nous de marcher devant pour nous montrer le chemin. Il prit par une petite ruelle et après nous avoir fait passer à travers les plus piteuses allées que j’aie jamais eu le bonheur de voir, il s’arrêta devant une porte basse et frappa deux coups. La personne qui vint ouvrir était une fille en savates, qui bâillait démesurément. Elle avait comme agréments particuliers de grosses mains rouges et une profusion de cheveux d’un blond très-ardent. M. Gordon accueillit cette Hébé avec un baiser qui lui valut de la part de la belle une virulente apostrophe où le dégoût n’était nullement déguisé.

« Silence ! ma reine des clubs, ma sultane, dit M. Gordon ; silence ! Ces messieurs pourraient croire que vous êtes fâ-