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nant tout d’un coup de Dartmore après une cordiale poignée de main, et en apostrophant l’homme du comptoir ; entends-tu ! donne-moi la monnaie de ce demi-souverain, et va au diable, et puis allonge-nous une double ration de ton meilleur ; allons, avec ton teint de fromage à la pie, et ta figure de carême, grippe-sou, grippe-estomac, sangsue des pauvres, corps sans âme. Venez, messieurs, si vous n’avez rien de mieux à faire, je veux vous mener à mon club ; nous sommes là un petit cercle, tous gens d’esprit ; il y en a bien quelques-uns qui ne sont pas des plus délicats, c’est vrai, mais nous ne sommes pas tous des Chesterfield. Monsieur, voudriez-vous me faire l’honneur de me dire votre nom ?

— Dartmore.

— M. Dartmore, vous êtes un gentleman. Holà ! sac à vin, gredin ! qui n’as d’esprit que celui que tu nous sers, sale petit ruisseau fangeux, avec ton corps qui n’est qu’un égout, et ta prétendue âme qui n’est qu’une sentine : donne-moi ma monnaie et mon gin, faquin ! Hein ? n’as-tu pas honte, Procuste de comptoir, d’avoir réduit notre appétit légal à ta gredine de pinte, de quinze sous ? Veux-tu une devise, tête de chien ? En voilà une qui te convient ; mesure pour mesure et le diable en paiement. Hum ! misérable courtaud de boutique, tu n’as pas plus d’esprit qu’une bouteille vide ! Quand tu iras en enfer, c’est toi qui feras aller le soufflet de la forge. Je te demande, canaille, si tu sais pourquoi tu es plus mal à ton aise que le diable dans un bain de pied rempli de soufre ? C’est que le diable dans ce cas-là n’a que la moitié de lui-même de damnée, tandis que toi, gueux, tu es damné du haut en bas ! Venez, messieurs, je suis tout à votre service. »