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J’étais encore à mon dîner solitaire, quand je reçus le billet suivant de lady Roseville :

« Cher monsieur Pelham,

« Lady Frances désire que lady C… fasse votre connaissance ; c’est aujourd’hui son jour, et je vous envoie une carte d’invitation. Comme je dîne à… j’aurai l’occasion de faire votre éloge avant votre arrivée.

« C. Roseville. »

Je serais bien curieux de savoir, me disais-je tout en faisant ma toilette, si lady Roseville est, oui ou non, amoureuse de son nouveau correspondant ? J’allai de bonne heure chez lady C… et avant de me retirer, j’étais détrompé ; ma vanité avait reçu un échec. Lady Roseville jouait à l’écarté quand j’entrai ; elle me fit signe d’approcher, je lui obéis. Son antagoniste était M. Bedford, un fils naturel du duc de Shrewsburg, et l’un des meilleurs et des plus beaux dandys de la capitale. Il y avait cercle autour de la table, lady Roseville jouait admirablement bien, on pariait gros pour elle. Tout à coup sa figure changea, sa main se mit à trembler, sa présence d’esprit l’abandonna, elle perdit la partie. Je levai les yeux et je vis juste en face d’elle, mais dans une attitude insouciante et tout à fait tranquille, Réginald Glanville. Nous n’eûmes que le temps d’échanger un salut, car lady Roseville quitta la table, prit mon bras et m’emmena à l’autre bout du salon pour me présenter à la maîtresse de la maison.

Je lui dis quelques mots, mais elle était distraite et ne m’entendait pas ; ma pénétration ne demanda pas d’autres preuves qu’elle n’était pas tout à fait insensible aux charmes de Glanville. Lady *** fut aussi civile et aussi insignifiante que le sont en général ces poupées du grand monde, et comme je m’ennuyais à mourir, je me retirai bientôt dans le coin le plus obscur du salon. Glanville vint m’y retrouver.

« Il est bien rare, me dit-il, que je vienne dans ces réunions ; mais ce soir ma sœur m’a persuadé de venir m’y aventurer avec elle.