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bouche du côté droit était une fossette qui accusait si exactement chaque sourire, chaque mouvement de ces lèvres roses, qu’on aurait juré qu’il y faisait chaque fois passer son ombre ; c’était comme les rapides changements d’un ciel d’avril se reflétant sur une vallée. Elle était d’une taille un peu au-dessus de la moyenne et sa figure qui unissait toute la première fraîcheur de la jeune fille aux grâces plus accentuées de la femme, présentait des contours si réguliers, et un fini si parfait, que l’œil le plus exercé n’aurait pu y trouver le plus petit défaut ; il n’y avait rien à ajouter, rien à retrancher. Mais par-dessus tout elle brillait d’un éclat éblouissant et l’on se sentait, à son approche, pénétré comme d’une influence divine.

« Qu’en pensez-vous, Vincent ? dis-je.

— Je dis avec Théocrite dans son épithalame à Hélène….

— Non, non, lui dis-je, je ne veux pas que sa présence soit profanée par une citation. »

À ce moment la jeune fille se détourna vivement et rentra dans la boutique ; c’était celle d’un papetier.

« Entrons, dit Vincent, j’ai besoin de pains à cacheter. »

Je ne me le fis pas dire deux fois ; nous entrâmes. Mon Armide se tenait au bras d’une dame âgée. Elle rougit en nous voyant ; notre mauvaise fortune voulut que la vieille dame eût fini ses emplettes, si bien qu’un instant après elles avaient disparu.


« Eût-on jamais pensé, dans un endroit semblable, trouver beauté pareille ? »


me dit Vincent, et il avait raison cette fois.

Je ne répondis rien. Tout le reste du jour je fus soucieux et préoccupé : Vincent s’apercevant que je ne riais plus de ses plaisanteries, et que je n’applaudissais plus à ses citations, me dit qu’il s’était opéré en moi un changement des plus tristes, et, prétextant un rendez-vous, se débarrassa d’un auditeur aussi obtus.