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— Chaque rang a ses devoirs, dit gravement lady Henriette ; votre mère, monsieur Pelham, peut rétrécir, autant qu’il lui plaît, le cercle de ses relations, mais le haut rang de lady Babbleton l’oblige à plus de condescendance pour les autres ; c’est comme les ducs de Sussex et de Gloucester qui vont en des endroits où ni vous ni moi ne voudrions aller.

— C’est très-vrai, dit l’innocente douairière, jamais vous n’avez fait de remarque plus sensée. Étiez-vous à Bath l’hiver dernier, monsieur Pelham ? continua la comtesse dont les idées flottaient d’un sujet à un autre comme un navire sans gouvernail.

— Non, lady Babbleton, j’étais pour mon malheur dans un lieu bien moins distingué.

— Où donc ?

— À Paris.

— Oh ! vraiment ! moi je ne suis jamais sortie de ce pays-ci. Je ne comprends pas que des personnes d’un certain rang consentent à quitter l’Angleterre ; à mon avis leur devoir est de rester chez elles pour encourager nos manufactures.

— Ah ! m’écriai-je en touchant le châle de lady Babbleton, que voilà un joli échantillon des chefs-d’œuvre de Manchester.

— Comment, de Manchester ! s’écria la pairesse stupéfaite ; mais c’est un vrai cachemire, vous imaginez-vous que je vais porter des étoffes anglaises, M. Pelham ?

— Je demande mille pardons à Votre Seigneurie. Je ne me connais pas en toilette, mais pour en revenir à ce que vous disiez, je suis tout à fait de votre avis : nous devons encourager nos manufactures et ne pas sortir du pays ; d’ailleurs on ne peut rester longtemps sur le continent, quand on a eu la faiblesse de s’y laisser prendre ; on soupire bientôt après son cher pays.

— Cette remarque est très-juste, dit lady Babbleton, voilà ce que j’appelle du patriotisme et de la moralité. Quel dommage que tous les jeunes gens d’aujourd’hui ne vous ressemblent pas ! Oh mais, voici l’un de mes meilleurs amis qui vient par ici, c’est M. Ritson, le con-