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CHAPITRE XXXI


J’ai toujours eu en horreur d’être placé, comme on dit, en évidence : et certes, je m’y trouvais placé cette fois de la belle manière. Un homme à mes pieds, dans des convulsions, tandis que l’auteur du mal se dérobait prudemment, laissant à ma charge le soin de garder, de ranimer et de conduire à domicile la personne affligée, tout cela faisait un enchaînement de circonstances désagréables, aussi opposé que possible au caractère de Henry Pelham. Décidément la fortune était contre moi.

Après un instant de réflexion, je frappai chez le portier, je me procurai de l’eau froide, et je baignai les tempes de Tyrrel. Au bout de quelques moments il revint à lui. Il ouvrit les yeux lentement et se mit à regarder avec inquiétude autour de lui. « Parti ! (murmura-t-il) parti ! qu’est-ce qu’il venait faire ici dans un pareil moment ? se venger ? de quoi ? je ne pouvais pas lui dire ce qui l’avait tuée, il ne doit s’en prendre qu’à sa propre folie. Je ne crains rien ; je brave sa méchanceté. »

En disant ces mots, Tyrrel se redressa sur ses pieds :

« Voulez-vous que je vous conduise chez vous ? lui dis-je. Vous n’êtes pas encore bien. Je vous en prie. »

Je parlais avec une certaine chaleur et une certaine sincérité. Le malheureux me considéra attentivement pendant un moment, et reprit :

« Qui est-ce à la fin ? Qui est-ce qui me parle, qui est-ce qui a encore pour un homme perdu, un mendiant, des paroles d’intérêt et de bienveillance ? »