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Je n’en vois pas la nécessité, » répondis-je, en montant en voiture. Cette répartie, je le dis en passant, n’est pas de moi ; c’est la réponse sans réplique d’un juge à l’excuse d’un voleur.

Je fis le tour de mes connaissances pour procéder à un échange de regrets réciproques. Tout se passa dans les règles. Ma dernière visite fut pour la duchesse de Perpignan. (Je réservais Mme d’Anville pour un autre jour.) La vertueuse et sage duchesse était dans son boudoir de réception. Je jetai un regard, en entrant, sur la fatale petite porte. Quand une fois des relations entamées se sont terminées convenablement j’ai la plus grande répugnance à y faire la moindre allusion. Aussi, ne dis-je jamais un mot à la duchesse de nos anciens égarements. Je lui parlai ce jour-là du mariage d’une personne, de la mort d’une autre, et enfin de mon propre départ.

« Quand nous quittez-vous ? me dit-elle vivement.

— Dans deux jours ; le chagrin de mon départ sera adouci pour moi si j’ai le bonheur de recevoir quelques commissions de madame la duchesse pour l’Angleterre.

— Je n’en ai pas à vous donner, » me dit-elle. Alors, d’une voix basse, et de façon à ne pas être entendue des désœuvrés qui étaient toujours là, à son petit lever, elle ajouta : « Vous recevrez un mot de moi ce soir. »

Je m’inclinai, changeai de conversation, et partis.

Je reçus le soir même un billet de la duchesse de Perpignan : il était ainsi conçu :

« My dear Friend,

« Si ce mot est équivoque dans notre langue, il ne l’est pas dans la vôtre, c’est pour cela que je vous l’écris en anglais. Je voudrais bien ne pas vous laisser quitter ce pays emportant de moi l’opinion que vous en avez maintenant, et cependant je ne puis trouver de mots assez magiques pour opérer ce changement. Oh ! si vous saviez combien je suis digne de pitié ! si vous pouviez lire un instant dans ce cœur désolé et flétri. Si vous pouviez suivre pas à pas, les progrès que j’ai faits dans la folie et le désordre, vous verriez que tout ce que vous pouvez