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« Ils ne sont pas si bons amis après tout, me dis-je, et maintenant changeons nos batteries. »

« À propos, repris-je, est-ce que parmi vos nombreuses connaissances de Paris, vous n’avez jamais rencontré un M. Tyrrel ? »

Warburton se releva brusquement et se rassit aussitôt. Thornton attacha sur moi un de ces regards qui me rappelaient tout à fait un dogue en furie, se demandant s’il va mordre ou passer son chemin.

« Je connais un M. Tyrrel, me dit-il après un instant.

— Quelle espèce d’homme est-ce ? lui demandai-je d’un air indifférent, c’est un grand joueur n’est-ce pas ?

— Il aime à mettre de temps à autre sur la rouge ou sur la noire, répliqua Thornton. J’espère pour vous que vous ne le connaissez pas, monsieur Pelham !

— Mais ! dis-je en éludant la question, sa réputation n’a rien à souffrir d’un goût aussi répandu, à moins toutefois que vous ne pensiez que ce soit un joueur de profession plus adroit que malheureux.

— Dieu me pardonne, je ne dis rien de semblable, répliqua Thornton, vous n’attraperez pas un ancien légiste à commettre pareille imprudence !

— Plus le fait est vrai plus l’accusation est diffamatoire, dit Warburton en ricanant.

— Non, reprit Thornton, je n’ai rien à dire contre M. Tyrrel — rien — cela peut être un très-brave homme, et je pense qu’il l’est ; mais si c’est pour en faire votre ami, monsieur Pelham (et M. Thornton me dit cela d’un air très-affectueux) je vous conseille de fréquenter le moins possible les gens de cette espèce.

— Vraiment ! lui dis-je, vous piquez ma curiosité, il n’y a rien, vous le savez, qui intéresse comme un mystère. »

Thornton eut l’air d’avoir compté sur une autre réponse ; et Warburton s’écria d’un ton brusque :

« Quiconque s’engage dans un chemin inconnu par un temps de brouillard, risque fort de se perdre.

— C’est vrai, lui dis-je, mais c’est plus agréable de courir cette chance que de suivre une route dont on connaît tous les arbres. Le danger et la nouveauté ont plus d’attrait pour