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réponde. Il est insupportable, en un mot, désagréable, révoltant, déplaisant et malpropre ! » Telles furent les opinions les plus flatteuses qu’on émit sur l’infortuné Vincent. Les vieux blâmaient son mauvais goût et les jeunes son mauvais cœur, parce que les premiers attribuent toujours les opinions qui ne sont pas d’accord avec les leurs à une dépravation du goût ; et les seconds, le tort de ne pas partager leur enthousiasme, à une dépravation du cœur.

Quant à moi, je rentrai à la maison, enrichi de deux observations nouvelles : la première c’est qu’il ne faut jamais parler de quelque chose qui intéresse la nation étrangère dont on est l’hôte autrement qu’on ne ferait si on y était né (la critique d’une nation devient bien vite un affront pour les personnes) ; secondement, que ceux qui connaissent l’humanité par théorie, la connaissent rarement en pratique. La sagesse qui conçoit un principe est accompagnée de l’abstraction et de la vanité qui le détruisent. Je veux dire que les philosophes de cabinet sont souvent trop défiants pour mettre en action leurs observations, ou trop pressés de les exposer pour cacher leur dessein. Lord Vincent se fait fort de posséder cette science du monde. Il a beaucoup lu et beaucoup réfléchi, il croit connaître les hommes, il émet des aphorismes pour les gouverner ou leur plaire. Il va dans le monde, pour se faire moquer de lui par les uns, et pour blesser les autres. Tel est un sage dans son cabinet, qui n’est qu’un sot dans un salon ; et le parfait modèle de l’homme du monde, c’est celui qui a le moins réfléchi à ce que c’est que le monde.