Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874, tome I.djvu/104

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE XXIII


Je m’éveillai le lendemain avec un grand mal de tête accompagné de fièvre. Ah ! ces carrousels nocturnes seraient admirables s’ils n’avaient toujours un lendemain. Je pris mon sauterne avec de l’eau de Seltz dans ma chambre à coucher ; comme toute indisposition a le don de me rendre méditatif, je repassai dans mon esprit tout ce que j’avais fait depuis mon arrivée à Paris. Je m’étais fait, et Dieu sait que je n’avais pas eu grand mal, une célébrité dans le monde ; on ne parlait que de moi. Il est vrai que c’était pour me critiquer ; l’un trouvait à redire à ma cravate, un autre à mon esprit, le maigre M. Aberton disait que je mettais des papillotes de papier brouillard, et sir Henry Millington, l’homme aux habits rembourrés, disait que je n’étais moi-même qu’un chiffon de papier. L’un blâmait ma tenue à cheval, un second ma manière de danser, un troisième demandait comment il pouvait se trouver une femme qui eût du goût pour moi et un quatrième répondait qu’aussi n’y en avait-il pas une seule.

Cependant il y avait un point sur lequel amis et ennemis tombaient d’accord, c’est que j’étais un fat achevé, et un véritable Narcisse, amoureux de lui-même.

Peut-être ne se trompaient-ils pas beaucoup en cela. Comment se fait-il, par parenthèse, que le plus sûr moyen de mécontenter tout le monde, ce soit d’être content de soi ? Si quelqu’un, homme ou femme, admirateur connu de lui-même et de ses propres perfections, vient à entrer dans une