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Randal. Avec sa charmante figure, elle a plu tout d’abord à Harry, et puis tu seras ainsi le frère de Frank et avec ta bonne tête et ton affection tu le maintiendras dans la bonne voie. Et comme tu vas te marier aussi, d’après ce que tu m’as écrit (il faudra que tu me contes cela plus tard), nous pourrons avoir dans la famille deux mariages le même jour. »

Randal serra la main du squire dans un mouvement de gratitude sincère. Car on sait qu’insensible à tout le reste, il avait conservé des sentiments d’affection pour sa famille ; sa sœur était peut-être le seul être au monde qu’il aimât véritablement, et, malgré tout son dédain pour l’honnête et simple Frank, il ne connaissait personne à qui il eût plus volontiers confié le bonheur de Juliette, celle-ci habitant la demeure de mistress Hazeldean et améliorée par ses bons conseils, possédant l’affection d’un homme qui ne serait pas empêché par une trop grande délicatesse de la prendre.

Que pouvait-il désirer de mieux pour sa sœur qu’il se représentait intérieurement les cheveux pendants sur ses oreilles, et se gâtant l’esprit par la lecture de mauvais romans. Mais, avant qu’il eût pu répondre, le père de Violante vint ajouter ses consolations philosophiques aux adoucissements matériels du bon squire.

Qui pouvait compter sur les caprices de la multitude ? Les sages de tous les temps l’avaient dédaignée ? Horace et Machiavel étaient d’accord sur ce point, etc., etc. « D’ailleurs, dit le duc avec bonté, peut-être votre infortune vous servira-t-elle ailleurs. Le cœur féminin est prompt à la pitié et toujours empressé de consoler. En outre, si je suis rappelé en Italie, cela vous donnera le temps de nous accompagner, et de voir le pays du monde où l’ambition est le plus facilement oubliée, même par ses propres enfants, » ajouta l’Italien en soupirant.

Ainsi accueilli par le squire et par le duc, Randal reprit courage. Il était clair que lord L’Estrange ne leur avait fait aucun rapport défavorable sur sa conduite dans la salle du comité. Tandis que Randal était ainsi occupé, Lévy s’était approché d’Harley qui l’avait emmené à l’écart dans l’embrasure d’une fenêtre.

« Eh bien, milord, s’était écrié le baron, comprenez-vous quelque chose à la conduite de Richard Avenel ? Lui, faire nommer Egerton ! lui !

— Quoi de plus naturel, baron ? n’est-ce pas son beau-frère ?

Le baron tressaillit et devint très-pâle.

« Mais comment l’a-t-il su ? Je ne le lui ai jamais dit ; j’avais, il est vrai, l’intention de…

— L’intention peut-être d’humilier Egerton en déclarant publiquement son mariage avec la fille d’un boutiquier. C’est une vengeance qui vous est laissée. Mais une vengeance de quoi ? — Un mot, baron, maintenant que nos élections vont cesser pour toujours ; vous savez quelles sont mes causes de ressentiment contre Egerton ; j’ignore quelles sont les vôtres ; voudriez-vous me les confier ?

— Milord, milord, balbutia le baron. Moi aussi j’avais voulu