Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/325

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

man qui vivait de ses rentes dans une maison de la Grande-Rue, avait reçu l’éducation universitaire et était cadet d’une « famille du comté. » Ce personnage parla beaucoup de la constitution, quelque peu de la Grèce et de Rome, compara Egerton à William Pitt ainsi qu’à Aristide, et se rassit après un discours estimé classique par quelques-uns et assommant par le plus grand nombre. Le second d’Audley, un brasseur solide et important, le prit sur un ton plus hardi. Il appuya sur la nécessité qu’il y avait pour Lansmere d’être représenté par des gentlemen riches et de haut rang et non par des « parvenus et des aventuriers. » (Applaudissements et grognements.) Lorsqu’il considérait les candidats du côté opposé, il ne pouvait s’empêcher de croire que c’était insulter la ville de Lansmere que de supposer ses électeurs capables de nommer un homme n’ayant aucun titre à leurs suffrages, si ce n’est celui d’avoir été gamin dans la ville où son père tenait boutique, et, par parenthèse, un gamin fort sale et fort turbulent !

Dick caressait son devant de chemise blanc comme la neige, et ses jeux lançaient des éclairs, tandis que les bleus riaient de bon cœur et que les jaunes criaient : C’est une honte ! Quant à l’autre candidat du même parti, le brasseur n’avait rien à dire de lui. Son oncle et sa propre inexpérience l’avaient sans doute entraîné, cet innocent jeune homme, à une démarche si présomptueuse.

Le parrain et le second de M. Avenel parlèrent ensuite ; le premier était un riche épicier, l’autre le propriétaire d’une boutique nouvelle où se vendaient des robes, châles, couvertures et couvre-pieds étiquetés en chiffres connus et à prix fixe ; un homme qui, comme il s’en vantait, traitait avec le peuple « argent comptant, et sans erreur » (du moins il ne convenait jamais d’aucune). Tous deux dirent à peu près la même chose. M. Avenel avait fait sa fortune dans une honnête industrie, il était de la ville, il devait par conséquent en connaître les intérêts mieux qu’un étranger ; il avait des principes publics fermes et austères ; il n’était pas homme à flatter le gouvernement ; il veillerait sur les droits du peuple et voterait contre l’armée, la marine et tous les appuis d’une aristocratie corrompue. Le parrain de Randal, capitaine à la demi-solde, entreprit une longue défense de l’armée et de la marine contre les imputations antipatriotiques des précédents orateurs, laquelle défense lui fit oublier l’éloge de Randal jusqu’à ce que les cris de : Abrégez, abrégez, le rappelassent à ce thème ; et alors il choisit pour sujet d’éloge l’aimable caractère dont témoignaient si évidemment les manières polies et gracieuses de son jeune ami ; la coïncidence de ses opinions avec celles de l’illustre homme d’État auquel il était adjoint. « Il avait de bonne heure sucé les meilleurs principes, son seul défaut c’était la jeunesse et il s’en corrigerait tous les jours. » Le second de Randal était un propriétaire rural dont la parole avait du poids auprès des électeurs de la campagne. Il se montra d’une franchise un peu intempestive ; il rappela l’abandon fait par Audley des intérêts territoriaux, « espéra » que celui-ci en avait assez des grandes villes ; lui, le