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CHAPITRE XXII.

Embrassant donc avec vigueur la tâche qu’il avait acceptée, et s’efforçant de regarder ce que Riccabocca eût appelé le côté méridional des choses, Léonard comprit bientôt ce qu’il y a au fond de réellement grand en principe et d’honorable pour la nature humaine, sous les misérables détails et les intérêts vulgaires qui s’agitent à la surface d’une lutte de cette nature. L’ardeur de ceux qui l’entouraient le gagna par degrés. Le généreux dévouement à une cause quelconque qui anime toujours une élection, et auquel l’électeur le plus pauvre fait souvent des sacrifices qu’on peut appeler sublimes, l’affection personnelle que la communauté de zèle inspire aux électeurs pour le défenseur d’opinions qui leur sont chères, tout concourut à dissiper cette indifférence pour les partis politiques, et à combattre ce dégoût du levain grossier qui s’y mêle, qu’avait d’abord éprouvés le jeune poète.

Il cessa donc de s’opposer à Dick Avenel lorsque celui-ci lui représentait combien sa propre nomination serait préjudiciable à ses affaires de Screwstown, et combien, sous tous les rapports, il serait désirable que lui, Léonard Fairfield, devînt le représentant des Avenel. « Si donc, ajoutait Dick, nous ne pouvons être nommés tous les deux, et qu’il faille que l’un de nous se retire, laisse-moi m’arranger avec le comité pour que ce soit moi. Ne crains rien ; tous tes scrupules seront respectés. Je ne voudrais pas, pour l’honneur des Avenel, qu’on pût dire un mot contre leur représentant.

— Mais, répondit Léonard, si je consens à cet arrangement, je crains que vous n’ayez l’intention de transférer les votes qui vous ont été donnés à Leslie, au détriment d’Egerton.

— Et que diable cela peut-il te faire ? Que t’importe Egerton ?

— Rien, si ce n’est à cause de la reconnaissance que je dois à lord L’Estrange.

— Peuh ! Je vais te confier un secret. Lévy m’a avoué en confidence que lord L’Estrange serait bien aise que le choix de Lansmere tombât sur Leslie plutôt que sur Egerton ; et je crois d’ailleurs avoir convaincu milord, lorsque je l’ai vu à Londres, qu’Egerton n’avait aucune chance, tandis que Randal pouvait réussir.

— Je dois croire que lord L’Estrange s’opposera de toutes ses forces à toute tentative ayant pour but de préférer Leslie, qu’il méprise, à Egerton, qu’il aime et qu’il honore. Par conséquent, je m’y opposerai également, ainsi que vous pouvez en juger par les discours qui ont encouru votre déplaisir.

— Pour couper court à tout ceci, je ne demande de toi qu’une