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— D’un homme que votre père s’obstine à vouloir vous faire épouser ? Ô chère Violante, vous qui encore tout enfant, avant que vous connussiez quels pièges sont cachés pour ceux qui se fient aux autres, sous le gazon que nous foulons, alors même qu’il est semé de toutes les fleurs du printemps ; vous qui, passant vos bras autour de mon cou, murmuriez de votre douce voix : « Sauvez-moi, sauvez mon père ; » je ne vous abandonnerai pas dans un péril pire que celui qui vous menaçait alors, un péril qui vous effraye plus encore que les ruses de Peschiera.

« Randal Leslie peut réussir dans les objets secondaires de son ambition, je les lui abandonne avec dédain, mais vous ! l’audacieux coquin ! Harley s’arrêta un moment comme suffoqué d’indignation, puis il reprit avec calme : Ayez confiance en moi et ne craignez rien. J’épargnerai à cette main la profanation du contact d’un Randal Leslie ; et ensuite je dirai adieu pour la vie à toute tendre émotion. Devant moi s’étend le désert de la solitude. L’innocence sauvée, l’honnêteté vengée, la perfidie justement punie, et alors… Quoi alors ? Eh bien, j’aurai du moins étudié Machiavel avec plus de fruit que ne l’a fait votre père, et je le mettrai de côté, n’ayant besoin d’aucun philosophe pour m’apprendre à n’être plus trompé. » Il fronça le sourcil, puis se détourna brusquement, laissant Violante éperdue, partagée entre l’étonnement, la crainte et une joie, vague, mais délicieuse qui l’emportait sur tout autre sentiment.


CHAPITRE XX.

Le même soir, après le labeur du jour, Randal, retiré dans sa chambre et assis devant son bureau, préparait le discours qu’il devait prononcer le jour de la nomination, alors qu’en présence de ses amis et de ses ennemis, des journalistes de Londres, et parmi tous les intérêts discordants qu’il entendait faire converger vers le seul intérêt de Randal Leslie, il allait être appelé à exposer formellement ses opinions politiques. Randal Leslie n’était pas à la vérité de ces orateurs que la modestie, un goût délicat, ou un scrupuleux respect pour la vérité prédisposent au travail du discours écrit. Il était trop habile pour que la période ou les lieux communs, matériaux ordinaires de l’impromptu oratoire lui fissent jamais défaut et il avait trop peu l’amour du beau pour étudier les grâces de diction les plus propres à orner un noble sentiment ; une conscience trop obtuse pour s’inquiéter de dégager les arguments populaires de l’alliage qu’un discours improvisé manque rarement d’y laisser. Mais ce n’était pas ici une occasion ordinaire. Une étude approfondie était nécessaire non pas à l’orateur, mais à l’hypocrite. Rude tâche, que celle de plaire aux