Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/311

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

çonne que son engagement avec miss Digby est rompu. Il m’a promis de m’en dire davantage plus tard.

« Oui, continua Audley avec tristesse, observez la physionomie mobile de Violante, écoutez sa voix si harmonieuse et si expressive, et dites-moi si elle ne vous fait pas quelquefois souvenir de… de… ? En un mot, il existe une femme qui, fût-elle dépourvue de rang et de fortune, serait digne de remplacer le souvenir de Léonora, et d’être pour Harley bien plus que ne pouvait être Léonora, car Violante l’aime, j’en suis certain. »

Harley était resté avec Riccabocca et Violante, causant de choses indifférentes, n’obtenant du premier que de courtes réponses, tandis que la seconde gardait un silence complet ; le philosophe l’attira à l’écart et lui dit tout bas : « Elle a consenti à se sacrifier à mon honneur, mais, ô Harley ! si elle est malheureuse, j’en mourrai de douleur. Il faut ou que vous me donniez des preuves de la trahison de Randal, ou bien que vous essayiez de réconcilier la pauvre enfant à l’idée de ce mariage. Elle fait grand cas de ce que vous dites, elle vous respecte comme un second père. »

Harley se sentit médiocrement flatté de cette qualification, mais l’embarras d’une réponse immédiate lui fut épargné par l’arrivée d’un homme dont l’habit couvert de poussière et d’éclaboussures ressemblait à celui d’un courrier étranger. Harley ne l’eut pas plus tôt aperçu qu’il s’élança au-devant de lui et l’accosta brièvement.

« Vous avez été prompt ; je ne vous attendais pas sitôt. Avez-vous découvert l’homme ? avez-vous remis ma lettre ?

— Oui, et je vous rapporte la réponse, milord, » dit l’homme tirant une lettre de la poche de cuir suspendue à son côté. Harley en brisa rapidement le cachet et en parcourut le contenu, qui n’était que de quelques lignes.

« Bon, ne dites à personne d’où, vous venez. Ne restez pas ici ; retournez sur-le-champ à Londres. »

Une si grande satisfaction se lisait sur le visage d’Harley, lorsqu’il rejoignit les Italiens, que le duc s’écria :

« Une dépêche de Vienne peut-être ? mon rappel ?

— De Vienne, ce n’est pas encore possible, mon ami, j’ai calculé que je ne puis avoir de nouvelles du prince avant le jour ou la veille des élections. Mais vous désirez que je cause avec Violante ; allez rejoindre ma mère là-bas ; que complote-t-elle donc avec M. Egerton ? Je vais dire en particulier quelques mots à votre aimable fille, qui lui prouveront du moins l’intérêt que prend à son sort… son second père.

— Excellent ami ! dit le naïf élève de Machiavel, et il se dirigea vers la terrasse. Violante allait l’y suivre, mais Harley la retint.

— Ne me quittez pas sans m’avoir remercié, car vous ne seriez pas telle que je vous crois, si vous n’étiez pas reconnaissante envers celui qui vous délivre de la présence d’un adorateur tel que M. Randal Leslie.

— Devrais-je vous écouter parler ainsi de… de… ?