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— Vous, mon cher Hazeldean ! mais il n’est pas question de vous. À la vérité, vous pourriez, d’un trait de plume, vous procurer le double de cette somme, et payer vos propres dettes par-dessus le marché. Mais… une telle générosité, lorsqu’il ne s’agit que d’une simple connaissance !

— Une simple connaissance ! Mme di Negra ! Mais le comble de mon ambition serait de l’épouser

— Et les dettes ne vous effrayent pas ?

— Lorsqu’un homme aime sérieusement, il n’aime jamais plus, qu’alors que celle qu’il aime est plongée dans l’affliction. Et, ajouta Frank après une pause, bien que ces dettes soient sans doute coupables, en lui venant en aide aujourd’hui j’acquerrai peut-être le droit de le préserver à jamais de ses fautes, et la force de renoncer aux miennes. Je puis, dites-vous, me procurer cet argent par un trait de plume ; comment cela ?

— En hypothéquant votre future propriété du Casino. »

Frank recula.

« N’y a-t-il pas d’autre moyen ?

— Non, sans doute ; mais je connais vos scrupules. Essayons de tout concilier. Vous voulez épouser Mme di Negra ; elle aura vingt mille livres le jour de son mariage. Pourquoi ne pas convenir que l’hypothèque que vous allez mettre sur le Casino sera purgée sur cette somme ? Cette charge n’existerait ainsi que pour quelques semaines. L’acte restera enfermé dans mon bureau ; votre père n’en aura même pas eu connaissance, et lorsque vous vous marierez, si d’ici là vous êtes prudent, vous n’aurez pas une dette. »

Ici le comte se leva soudain.

« Monsieur Hazeldean, je vous avais prié de rester pour nous aider de vos conseils ; je vois maintenant que les conseils sont inutiles ; rien ne peut détourner le coup qui va frapper notre maison. Adieu, monsieur, je vous remercie. Lévy, allons retrouver ma pauvre sœur et la préparer à son malheur.

— Comte, écoutez-moi, dit Frank. Je ne vous connais que bien peu, mais depuis longtemps je connais et j’estime votre sœur. Le baron Lévy me propose un acte au moyen duquel j’aurais l’honneur et le bonheur de la tirer de cet embarras momentané. Je puis avancer l’argent.

— Non ! Non ! s’écria Peschiera ; comment pouvez-vous croire que j’écouterai une semblable proposition ? Votre jeunesse, votre générosité vous aveuglent. Impossible, monsieur, c’est impossible vous dis-je. Non-seulement ma fierté, ma délicatesse s’y opposent, mais encore la réputation de ma sœur…

— Serait ternie, il est vrai, interrompit Lévy, si Mme di Negra contractait une semblable obligation envers tout autre qu’un futur époux. Et quelle que soit mon affection pour vous, comte, je ne pourrais consentir à ce que M. Hazeldean, mon client, fît une semblable avance sur une moindre garantie que la dot à laquelle a droit Mme di Negra.