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cis du riche. Il a été dit à tous : « Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés. » Mais ne crois pas, ô riche, que nous ne prêchions ici que pour le pauvre. S’il est de son devoir de ne pas envier tes richesses, il est du tien de faire tout ton possible pour adoucir ses travaux. Souviens-toi que lorsque Notre-Seigneur disait : « Combien il est difficile qu’un riche entre dans le royaume des cieux, » il répondait à ceux qui lui demandaient qui serait sauvé : « Les choses impossibles à l’homme sont possibles à Dieu. » Ce qui veut dire, mes frères, que l’homme abandonné à ses propres forces succombera, mais que l’homme fortifié par Dieu sera sauvé.

« Nous avons constamment sur les lèvres ce précepte si simple : « Fais aux autres ce que tu voudrais qu’on te fît. » Pourquoi y manquons-nous si souvent dans la pratique ? Parce que nous négligeons de cultiver cette sympathie que la nature implante en nous comme un instinct, et que le Sauveur exalte comme un commandement. Si tu aimes ton prochain comme toi-même, considère d’avance ce que ton voisin pensera de ce que tu veux lui faire. Mets-toi à sa place ; si tu es fort et qu’il soit faible, daigne descendre de ta force pour entrer dans sa faiblesse. Dépose ton fardeau un instant pour prendre le sien. Fais cela, et tu avoueras souvent que ce qui te paraissait juste dans ta force te semblerait dur dans sa faiblesse. Ainsi donc, si vous voulez porter les fardeaux des petits, vous autres grands, ne sentez pas seulement pour eux, mais avec eux. Prenez garde que votre orgueil ne les irrite, que votre pouvoir ne les froisse de gaieté de cœur. Votre inférieur ici-bas est de la classe de ceux parmi lesquels furent choisis les apôtres, parmi lesquels est descendu de son trône, le Seigneur de la création. »

Ici le curé s’arrêta un moment et jeta un coup d’œil vers le banc voisin de la chaire où était assis le seigneur d’Hazeldean. Celui-ci, d’un air pensif, appuyait son menton sur sa main ; son front était penché et son visage plus coloré que de coutume.

« Mais, reprit le curé avec douceur, sans regarder son cahier et inspiré par la circonstance ; mais celui qui a pratiqué la sympathie ne tombe pas dans de telles erreurs, ou s’il y tombe il se hâte d’en sortir. La sympathie est si naturelle à l’homme de bien qu’il y obéit instinctivement quand il permet à son cœur d’écouter la voix de sa conscience. C’est la sympathie qui constitue le lien entre le riche et le pauvre. Par cette sympathie, nos différentes conditions ici-bas, quelles qu’elles soient, deviennent pour nous ce qu’elles doivent être selon la volonté de Dieu, c’est-à-dire des moyens pour chacun de nous d’exercer nos vertus. Par conséquent, si chacun en particulier porte son fardeau, tous, dans la communauté des âmes, doivent l’alléger en s’aidant mutuellement.

« Telle est la loi du Christ. Accomplissez-la, mes chères brebis ! »

Ici le curé termina son sermon, et les assistants inclinèrent la tête.