Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 1.djvu/77

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mere de se charger de mon affaire s’il n’était trop orgueilleux ; il eût pu avoir des scrupules : il est de l’ancien temps.

M. Egerton (d’un ton de mépris et en arrangeant des papiers). Monsieur, il n’entre pas dans mes fonctions de recommander à Sa Majesté des candidats au titre de baronnet, et il entre encore moins dans ces fonctions de faire marché des sièges au parlement.

M. le maire. Oh ! si c’est là le cas, vous voudrez bien m’excuser ; je ne connais pas l’étiquette sur ces matières. J’avais pensé que si je vous mettais entre les mains deux sièges pour vos amis, vous vous arrangeriez pour que l’affaire fût de votre ressort. Mais puisque vous vous entendez avec vos collègues, cela revient peut-être au même. Maintenant n’allez pas supposer que je veuille vendre la ville et changer d’opinions pour le but que je me propose. Non, non. Je ne suis pas partisan de nos membres actuels. Bien que j’aime le progrès ; je trouve cependant qu’ils vont trop loin, et puisque le gouvernement est disposé à faire un pas en avant, je le soutiendrai volontiers. Mais la reconnaissance veut qu’en retour je sois fait baronnet ! Je saurais soutenir cette dignité et faire honneur à Sa Majesté.

M. Egerton (sans lever les yeux de dessus ses papiers). Je ne puis que vous renvoyer, monsieur, à la division qui s’occupe de ces affaires.

M. le maire (avec impatience). À la division !… Eh bien ! puisqu’il y a tant de formalités dans votre vieux pays et qu’il faut passer par toutes les filières pour arriver à son but, dites-moi qui je dois aller trouver.

M. Egerton (diverti malgré son indignation). Si vous désirez devenir baronnet, monsieur le maire, adressez-vous au premier ministre ; si vous avez quelques communications à faire touchant les sièges au parlement, faites-vous présenter à M. X. X., secrétaire du trésor.

M. le maire. Et si je m’adresse à ce dernier, que pensez-vous qu’il me dise ?

M. Egerton (chez qui le divertissement l’emporte sur l’indignation). Il vous dira, je suppose, qu’il ne faut pas présenter l’affaire sous le jour où vous me l’avez présentée ; que le gouvernement sera fier d’avoir votre confiance et celle de vos coélecteurs, et qu’un gentleman comme vous, dans un poste aussi élevé que celui de maire, peut espérer d’être nommé baronnet dans quelque occasion favorable, mais qu’il ne faut pas parler de cela quant à présent, et que vous devez vous borner à convertir les opinions erronées de la ville.

M. le maire. Très-bien ; je vois que ce garçon-là aurait envie de me refaire. Je ne suis pas si innocent que ça, monsieur Egerton. Peut-être ferais-je mieux de m’adresser tout de suite au chef. Comment croyez-vous que le premier ministre prendrait la chose ?

M. Egerton (chez qui l’indignation l’emporte de nouveau). Probablement comme je vais la prendre moi-même.

M. Egerton sonna : un huissier parut.

« Reconduisez monsieur le maire, » dit le ministre.