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l’instruction, et peu de temps après il prouva lui-même combien étaient grands ces avantages. Ayant publié une tragédie grecque traduite avec talent, son collège, qu’il avait mécontenté par certaines irrégularités, le rappela dans son sein, en lui offrant une fellowship. Il prit ensuite ses grades, devint professeur à l’université, s’y fit remarquer par un ouvrage sur l’accentuation grecque, obtint de magnifiques émoluments, et on le croyait généralement sur la route de l’épiscopat. Ce jeune homme communiqua à Randal la soif du savoir, et quand le jeune homme entra à Eton, il travailla avec tant d’ardeur et d’obstination, que le bruit en arriva bientôt jusqu’à Audley ; celui-ci, qui éprouvait une vive sympathie pour le talent, et surtout pour ces caractères ambitieux qui n’ont qu’un but, vint à Eton pour le voir. À partir de ce moment, Audley témoigna au brillant élève d’Eton le plus grand intérêt, et Randal venait toujours passer avec lui quelques jours pendant le temps des vacances.

J’ai dit que la conduite d’Egerton à l’égard de ce jeune homme était plus digne d’éloge que la plupart des actions généreuses dont on lui faisait gloire, car le monde n’applaudissait pas à celle-ci. Le bien qu’un homme fait dans le cercle de sa famille ne répand point sur lui l’éclat qui rayonne autour d’un acte généreux fait en public. On ne s’en occupe pas, car l’on pense qu’il s’agit tout simplement d’un devoir. Il était vrai aussi, comme l’avait fait remarquer le squire, que Randal Leslie était un parent moins éloigné des Hazeldean que de mistress Egerton, puisque le grand-père de Randal avait épousé une Hazeldean (alliant la plus illustre que cette branche de la famille eût jamais contractée depuis la grande rupture dont nous avons parlé). Mais Audley Egerton ne parut jamais s’apercevoir de ce fait. Comme il ne descendait pas lui-même des Hazeldean, il se préoccupait peu de leur généalogie, et il prit soin de faire comprendre aux Leslie que sa générosité à leur égard n’était due qu’au respect qu’il avait pour le souvenir de sa femme. Le squire avait pensé que son frère éloigné lui faisait un reproche indirect de l’abandon dans lequel il laissait les pauvres Leslie en étendant sur eux sa générosité. C’est pourquoi il s’était senti doublement affligé quand le nom de Randal Leslie avait été prononcé. Mais le fait est que les Leslie de Rood étaient tombés si bas que le squire avait oublié leur existence jusqu’au moment où Randal devint le protégé de son frère. Il éprouva alors un remords cuisant à la pensée qu’un autre que le chef de la famille avait tendu une main secourable au petit-fils d’une Hazeldean.

Après m’être ainsi étendu, peut-être trop longuement, sur la position d’Audley Egerton, soit dans le monde, soit dans ses rapports avec son protégé, je puis maintenant lui laisser recevoir et lire ses lettres.