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Le squire (s’essuyant les yeux). Ce n’est point ma faute, Henriette, Donnez pour moi, je vous prie. Qui devrais-je inviter à venir ici, mistress Dale ? (D’un ton irrité.) C’est la première fois que j’entends mettre en doute l’hospitalité d’Hazeldean !

Mistress Dale. Mon cher monsieur, je vous demande mille fois pardon, mais vous savez le proverbe : Ceux qui écoutent…

Le squire (grognant comme un ours). Je n’entends plus que proverbes depuis que nous avons parmi nous ce monsignor. Je vous prie, madame, de vous expliquer franchement.

Mistress Dale (mécontente de s’entendre ainsi interpeller). Je parlais justement du monsignor, comme vous l’appelez, monsieur Hazeldean.

Le squire. Quoi ! de Rickeybockey ?

Mistress Dale (visant à la vraie prononciation italienne). Du signor Riccabocca.

Le curé (jetant ses cartes sur la table avec désespoir). Jouons-nous au whist, oui ou non ? »

Le squire qui est quatrième, jette le roi sur l’as de cœur du capitaine Higginbotham qui a joué le premier. Le capitaine a la dame de cœur, le valet de cœur et deux autres cœurs, avec la dame d’atout, quatre atouts, mais pas de levée à faire dans les deux autres couleurs. Ce coup est précisément un coup très-délicat. Une fois le roi de cœur tombé de la main de l’adversaire, on peut raisonnablement se demander s’il faut jouer atout ou non. Le capitaine hésite ; il ne veut pas se défaire de ses cœurs qui sont bons, parce qu’il est certain de les voir prendre par les atouts du squire. D’un autre côté, il ne tient pas à entrer dans les autres couleurs parce qu’il n’a pas de cartes pour aider son partenaire. Dans une pareille alternative, il prend la résolution, en vrai militaire qu’il est, de faire un coup de tête et de jouer ses atouts avec l’espoir de trouver de fortes cartes chez son partenaire et d’entrer dans la longue couleur de celui-ci.

Le squire (profitant du moment de réflexion du capitaine). « Mistress Dale, il n’y a pas de ma faute. J’ai invité Rickeybockey je ne sais combien de fois ; mais apparemment je ne suis pas assez aimable pour attirer ces chalands étrangers. Il ne veut pas venir, voilà tout ce que je sais. »

Le curé est hors de lui en voyant le capitaine jouer ses atouts ; il n’en a que deux et il espérait s’en servir pour couper les piques, car il a dans cette couleur un singleton. Il n’a pas dans la main de quoi faire une seule levée.

« En vérité, squire, nous ferions mieux de jeter les cartes si vous troublez ainsi mon partenaire. Quel babil ! quel babil !

Le squire. Allons ! Henriette, soyons sages. Comment ! des atouts, Barney ? Bien obligé. » Et le squire en effet peut être reconnaissant du coup, car son infortuné adversaire a fait tomber sur l’as, le roi, le valet et un autre atout. Le squire prend le dix du curé avec son valet et joue l’as. Puis après avoir fait tomber tous les atouts à l’exception de la dame du capitaine et des deux qui lui restent, il joue la tierce ma-