Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 1.djvu/423

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Randal avait entendu dire une partie de ces choses au sujet du baron ; il regarda d’abord sa carte, puis sa personne avec admiration.

« J’ai rencontré un de vos amis chez Borrowell, reprit le baron, le jeune Hazeldean. C’est un garçon circonspect, et qui connaît son monde. »

Comme c’était là le dernier des éloges que méritât le pauvre Franck, Randal sourit de nouveau.

Le baron continua : « J’ai entendu dire, monsieur Leslie, que vous avez une grande influence sur ce jeune homme. Ses affaires sont dans le plus triste état. Je m’estimerais heureux de pouvoir lui être utile comme à un parent de mon ami Egerton ; mais il entend si bien les affaires qu’il méprise mes conseils.

— Vous êtes injuste à son égard.

— Injuste ! non ; j’honore sa prudence. Je dis à tout le monde : Ne vous adressez pas à moi, je puis vous procurer de l’argent à des conditions beaucoup plus favorables que qui que ce soit, mais qu’en résulte-t-il ? Vous m’en demandez si souvent que vous finissez par vous ruiner, tandis qu’un usurier, un homme sans conscience vous ferait peur. Cent pour cent diriez-vous, oh ! oh ! il faut que je m’arrête. Si donc, vous avez quelque influence sur votre ami, dites-lui de s’en tenir à ses brocanteurs de billets et de n’avoir rien à démêler avec le baron Lévy. »

Ici la sonnette du ministre se fit entendre, et Randal regardant par la fenêtre, vit le docteur T. monter dans sa voiture qui s’était reculée pour faire place au splendide véhicule du baron, un cabriolet du meilleur goût, avec une couronne de baron se détachant sur les panneaux d’un brun foncé, des chevaux noirs pleins de feu, des harnais relevés de plaqué. Un domestique vint prier Randal d’entrer, puis se tournant vers le baron, il lui assura qu’il n’avait plus qu’un instant à attendre.

« Leslie, dit le ministre en cachetant une lettre, portez ceci à lord… et dites lui que dans une heure je serai chez lui.

— Pas autre chose ? il semblait s’attendre à un message verbal.

— Cela ne m’étonne pas. Eh bien, souvenez-vous que ma lettre est officielle et que mon message ne l’est pas. Priez-le de voir M. M. avant de me recevoir ; il me comprendra, tout dépend de cette entrevue. »

Egerton tendant alors la lettre à Randal, dit gravement :

« Bien entendu, vous ne direz à personne que vous avez vu le docteur T. chez moi ; la santé d’un homme d’État ne doit jamais être mise en doute ! Hum, attendiez-vous dans votre chambre ou dans l’antichambre ?

— Dans l’antichambre, monsieur. »

Egerton fronça légèrement le sourcil. « Et M. Lévy n’y était-il pas aussi ?

— Oui, le baron.