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« Et peut-être, reprit mistress Hazeldean avec une physionomie satisfaite, peut-être avez-vous remarqué cela chez Frank depuis son dernier voyage ici ?

— Oui, dit Randal ; cependant je crois que son cœur ou plutôt son imagination était déjà frappée auparavant.

— C’est très-naturel, dit mistress Hazeldean. Comment en eût-il été autrement ? Une si belle créature ! Je ne veux pas vous demander les secrets de Frank, mais je devine quel est l’objet de ses vœux ; et, bien qu’elle n’ait pour ainsi dire aucune fortune et que lui eût pu prétendre à une tout autre alliance, cependant elle est si aimable, elle a été si bien élevée et elle ressemble si peu à l’idée qu’on se fait ordinairement d’une catholique romaine, que je réussirais probablement à obtenir le consentement d’Hazeldean.

— Ah ! dit Randal respirant plus librement, car il commençait à comprend l’erreur de mistress Hazeldean, vous me rendez heureux en disant cela ; je puis donc donner à Frank quelque espoir, si je le retrouve triste, découragé, le pauvre garçon !

— Je crois que vous le pouvez, dit mistress Hazeldean en souriant gaiement. Mais vous n’auriez pas dû effrayer ainsi le pauvre William, et lui dire que la dame sait très-peu d’anglais. Elle a de l’accent, il est vrai, mais elle parle très-gentiment notre langue. J’oublie toujours qu’elle n’est pas Anglaise. Ha ! ha ! pauvre William ! »

Randal. « Ha ! ha ! »

Mistress Hazeldean. « Nous avions pensé pour Frank à un autre mariage, à une jeune fille d’une bonne famille anglaise.

Randal. Miss Slicktorights ?

Mistress Hazeldean. Oh ! non ; c’est là une vieille idée d’Hazeldean ; mais je doute que les Slicktorights voulussent jamais confondre leur propriété avec la nôtre ; tout se romprait quand on en viendrait au contrat, et qu’il leur faudrait abandonner le droit de passage. Non ; nous avions pensé à un mariage bien différent ; mais on ne peut contraindre les jeunes cœurs, monsieur Leslie.

Randal. Non, mistress Hazeldean, vous avez raison ; mais maintenant que nous nous comprenons parfaitement, permettez-moi de vous dire qu’à mon avis, mieux vaudrait laisser les choses aller d’elles-mêmes, et ne pas écrire à Frank sur ce sujet. Les jeunes cœurs, comme vous savez, sont souvent excités par les difficultés apparentes et se refroidissent lorsque les obstacles disparaissent.

Mistress Hazeldean. C’est possible ; cependant il n’en était pas ainsi d’Hazeldean et de moi ; mais je n’écrirai pas à Frank par une autre raison ; bien que je sois disposée à consentir à ce mariage et William aussi, cependant nous préférerions tous deux que notre fils épousât une Anglaise et une protestante. Nous ne ferons donc rien pour favoriser son idée ; mais si le bonheur de Frank est réellement attaché à cette union, nous céderons. Bref, nous ne voudrions ni l’encourager ni le chagriner. Vous comprenez ?

— Parfaitement.

— Et, en attendant, il est à propos que Frank voie le monde, se