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« Pourquoi naturellement ? demanda Egerton.

— Parce que, comme vous le savez, M. Hazeldean est mon parent. Ma grand’mère était une Hazeldean.

— Ah ! fit Egerton, qui, ainsi que nous l’avons déjà vu, connaissait peu la généalogie des Hazeldean et s’en souciait moins encore. J’ignorais cette circonstance ou je l’avais oubliée. Votre père croit donc que le squire peut vous léguer quelque chose ?

— Oh ! monsieur, mon père n’est pas si mercenaire, une pareille idée n’est jamais entrée dans son esprit. C’est le squire lui-même qui m’a dit : « S’il arrivait malheur à Frank, tu serais l’héritier du domaine, il est donc bon que nous nous connaissions. » Mais…

— Il suffit, interrompit Egerton. Loin de moi l’idée de m’interposer entre vous et la moindre chance de fortune. Et qui avez-vous rencontré à Hazeldean ?

— Personne, monsieur, pas même Frank.

— Hum ! Le squire n’est-il donc pas en bons termes avec le ministre ? Auraient-ils eu quelque querelle au sujet de la dîme ?

— Oh ! aucune. J’oubliais M. Dale. Je l’ai vu plusieurs fois. Il vous loue et vous admire beaucoup, monsieur.

— Moi ! et pourquoi ? Que vous a-t-il dit de moi ?

— Que votre cœur était aussi bon que votre tête ; qu’il avait eu occasion de vous voir au sujet de quelques-uns de ses anciens paroissiens et qu’il avait été touché de rencontrer en vous une profondeur de sentiments à laquelle il ne s’attendait pas chez un homme du monde et un homme d’État.

— Oh ! c’est là tout ! Il s’agit sans doute de quelque affaire du temps où je représentais Lansmere.

— Je suppose que oui. »

La conversation en était restée là, mais la seconde fois que Randal avait voulu faire visite au squire, il en avait formellement demandé la permission à Egerton, qui, après un instant d’hésitation, avait répondu : « Je n’y vois pas d’inconvénients. »

À son retour de cette seconde visite Randal parla de sa rencontre avec Riccabocca, et Egerton d’abord un peu surpris, lui dit d’un ton calme : « C’est sans doute un réfugié politique ; ayez soin de ne pas mettre Mme di Negra sur ses traces. Rappelez-vous qu’on la soupçonne d’être un espion du gouvernement autrichien.

— Fiez-vous-en à moi, monsieur, dit Randal, mais il me semble peu probable que ce pauvre docteur soi le personnage qu’elle cherche à découvrir.

— Ceci n’est pas notre affaire, répondit Egerton ; des gentlemen anglais respectent le secret d’autrui quel qu’il soit. »

Lorsque Randal réfléchit plus tard à cette réponse ambiguë, et se rappela l’inquiétude qu’avait laissé voir Egerton en apprenant sa première visite à Hazeldean, il se dit qu’il devait être sur la voie du secret que son patron désirait cacher à lui comme à tous, savoir : l’incognito de l’Italien que lord L’Estrange avait pris sous sa protection.