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— Fi donc ! » interrompit Randal. Puis se rapprochant de Mme di Negra, il lui prit la main, qu’il porta à ses lèvres, et dit galamment :

« Cette récompense suffit à votre preux chevalier ; » et il prit congé de la marquise.


CHAPITRE III.

Les mains derrière le dos, la tête penchée sur sa poitrine, Randal Leslie glissait lentement et sans bruit le long des rues en quittant la maison de la dame italienne. À travers le plan qu’il avait d’abord conçu, il en voyait luire un plus brillant, et dont le succès pouvait être plus sûr et plus immédiat. Si la fille de l’exilé était l’héritière d’une telle fortune, pourquoi n’essayerait-il pas lui-même… Il s’arrêta court, dans son propre soliloque, et sa respiration devint oppressée. Dans sa dernière visite à Hazeldean, il s’était trouvé en contact avec Riccabocca et il avait été frappé de la beauté de Violante. L’idée qu’elle pouvait être la personne que cherchait Béatrix avait vaguement traversé son esprit ; ce premier soupçon avait été confirmé par la description que la marquise lui avait plus tard faite de l’exilé. Mais comme il ignorait alors le motif des questions de Béatrix et ne croyait avoir aucun intérêt personnel à savoir la vérité, il s’était contenté de classer ce problème parmi ceux dont la solution pouvait être laissée au temps et à l’occasion. Le lecteur ne fera certainement pas à l’esprit sans préjugés de Randal Leslie, l’injure de croire qu’il avait refusé de confier à sa belle amie ce qu’il savait de Riccabocca par suite du sentiment chevaleresque qu’il avait allégué. Il avait rapporté exactement l’avis que lui avait donné Audley Egerton au sujet de toute confidence indiscrète, bien qu’il se fût abstenu de rapporter une répétition plus récente et plus directe du même avis. Randal avait fait sa première visite à Hazeldean sans consulter Egerton. Il avait passé quelques jours chez son père et avait été de là au château du squire. À son retour il avait parlé de sa visite à Egerton, qui en avait paru contrarié, fâché même, bien que Randal connût assez son patron pour être convaincu que de tels sentiments ne pouvaient avoir pour cause la froideur qui existait entre celui-ci et son beau-frère. Ce mécontentement avait donc intrigué le jeune homme, mais comme il entrait dans ses vues de nouer des relations d’intimité avec le squire, il fit infraction sur ce point à sa déférence accoutumée aux volontés de l’homme d’État. Il lui fit donc observer qu’il serait certes très-fâché de rien faire qui pût déplaire à son bienfaiteur, mais que son père désirait naturellement qu’il ne rejetât pas les avances bienveillantes de M. Hazeldean.