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doute pas, connaît la retraite de notre cousin, secret qu’il a jusqu’ici obstinément gardé ? Ne m’avez-vous pas dit que, bien qu’il fût alors en Angleterre, vous ne pouviez trouver l’occasion de le voir, mais que vous aviez obtenu l’amitié de l’homme d’État sur lequel j’avais appelé votre attention, comme étant son associé le plus intime ? Et cependant vous, dont les charmes ont coutume d’être irrésistibles, vous n’apprenez rien de l’homme d’État, de même que vous ne voyez rien de milord. Puis, jouée et trompée, vous supposes que le gibier a cherché refuge en France. Vous y allez ; vous prétendez fouiller la capitale, puis les provinces, la Suisse, que sais-je ? Tout est inutile, quoique, foi de gentilhomme, votre police me coûtât fort cher ; vous retournez en Angleterre, même chasse et même résultat. Palsambleu ! ma sœur, j’ai une trop haute idée de vos talents pour ne pas douter de votre zèle. En un mot, avez-vous agi sérieusement, ou n’avez-vous pas pris quelque malin plaisir à vous jouer de moi et à abuser de ma confiance ?

— Giulio, dit Béatrix avec tristesse, vous savez quelle influence vous avez exercée sur mon caractère et sur ma destinée. Vos reproches sont injustes : j’ai fait toutes les recherches qui étaient en mon pouvoir, et j’ai maintenant raison de croire que je connais un homme instruit de ce secret et qui nous le révélera.

— Vrai ! » s’écria le comte ravi.

Béatrix, sans remarquer l’exclamation, poursuivit rapidement :

« Mais en supposant que mon cœur eût reculé devant la tâche que vous m’aviez imposée, la chose n’eût-elle pas été bien naturelle ? Lorsque j’arrivai en Angleterre, vous m’assurâtes que votre but en cherchant à découvrir les exilés était tel, que je pouvais y concourir sans scrupules. Vous désiriez d’abord et naturellement savoir si la fille vivait, puisque dans le cas contraire vous étiez héritier. Vous m’assuriez ensuite que si elle vivait, votre désir était d’arriver par mon entremise à une transaction avec Alphonse, transaction au moyen de laquelle vous vous efforceriez d’obtenir son rappel, à cette condition qu’il vous laisserait pour la vie en possession du don que vous teniez de la couronne. Tant que ce fut là votre but, je fis de mon mieux, bien qu’inutilement, pour me procurer les informations que vous demandiez.

— Et qui a pu me faire perdre un allié si important, bien que si inutile ? demanda le comte en souriant, mais ses yeux dardèrent un éclair qui démentait son sourire.

— Quoi ! j’aurais obéi alors que vous m’ordonniez de me liguer avec de misérables espions, avec les faux Italiens que vous envoyiez en Angleterre pour entraîner ce malheureux exilé, lorsqu’ils l’auraient découvert, dans quelque imprudente correspondance que vous vouliez révéler à l’empereur ; j’aurais obéi alors que vous vouliez réduire la fille du comte de Peschiera, la descendante d’une race qui a régné sur l’Italie, au rôle de délatrice, la faire descendre jusqu’à une basse trahison. Non, Giulio, cela était impossible. C’est alors que je reculai, puis, dans la terreur que m’inspirait la pensée d’avoir résisté à vos