le reflet des lumières sur les vagues était plus visible que celui des étoiles. Ces rayons lumineux éclairaient le sombre abîme du rapide courant, et la barque qui se dirigeait vers l’est avec ses mâts sans voiles, et sa noire et sinistre carène, avait un air de mort au milieu du calme de la nuit.
Léonard abaissa ses yeux vers le fleuve, et le terrible suicide de Chatterton lui revint à l’esprit. Une figure pâle, au sourire dédaigneux, aux yeux brillants et fascinateurs, lui sembla surgir du fleuve et laisser échapper de ses lèvres livides ces mots : « Cesse de lutter contre les vagues de la surface ; tout est calme et repos au fond de l’abîme. »
Secouant avec terreur cette affreuse rêverie, le jeune homme adressa de nouveau la parole à Hélène : il essaya de la consoler en lui décrivant l’humble demeure qu’il lui avait offerte.
Il lui parla des petites occupations qu’elle aurait à partager avec sa mère, car c’est de ce nom qu’il continuait à appeler la pauvre veuve ; il fit ressortir avec une éloquence qui empruntait toute sa puissance et toute sa vérité au contraste de son existence actuelle, le bonheur de la vie champêtre, les bois aux ombrages épais, les champs de blé ondoyants, et le grave et solennel clocher qui s’élevait au milieu du tranquille paysage. Il peignit avec des couleurs flatteuses les terrasses fleuries de l’Italien exilé, et la riante fontaine qui, au moment même où il parlait, jaillissait à la clarté brillante des étoiles, dans une atmosphère que ne troublait pas la fumée des villes. Il lui promit l’amour et la protection des êtres bienfaisants qui animaient ce gracieux tableau : une mère simple et affectueuse, le bon ministre, l’exilé, si plein de sagesse et d’indulgence. Violante avec ses yeux noirs, remplis de ces mystérieuses pensées que la solitude provoque dans l’enfance. Violante serait sa compagne !
« Eh bien ! s’écria Hélène, si telle est la vie de cet heureux séjour, revenez-y avec moi ! revenez !
— Hélas ! murmura le jeune homme, une fois que le marteau a fait jaillir l’étincelle de l’enclume, il faut que cette étincelle monte ; elle ne peut retomber à terre que pour s’éteindre. Laissez-moi monter, Hélène, laissez-moi monter ! »
CHAPITRE XII.
Le lendemain, Hélène était malade, si malade que quelques instants après s’être levée, elle fut forcée de se traîner vers son lit. Son corps frissonnait, ses yeux étaient appesantis, sa main était brûlante : elle avait la fièvre. Peut-être avait-elle eu froid sur le pont ; peut-être les émotions de la veille avaient-elles été trop fortes pour