Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 1.djvu/301

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« P. S. Tout le monde vous indiquera notre maison ; elle est sur la gauche, presque en haut de la colline ; on y monte par un petit sentier bordé de noisetiers et de lilas. Je vous guetterai à la porte. »

Le front de Léonard se rasséréna. Au-dessus de la sombre mer, son cœur vit sourire la douce figure d’une enfant, et les vagues se calmèrent sous cette influence magique.


CHAPITRE LVIII.

Qu’est-ce donc que M. Burley, et qu’a-t-il écrit ? demanda Léonard à M. Prickett, quand il revint à la boutique.

Nous répondrons nous-même à cette question ; car nous en savons plus sur M. Burley que M. Prickett.

John Burley était le fils unique d’un pauvre curé de village, qui, à force d’économie, était parvenu à payer la pension de son fils dans une excellente école provinciale du Nord, et de là avait envoyé celui-ci à l’Université. La première année, John Burley avait été remarqué des étudiants pour ses souliers ferrés et son linge grossier, et des maîtres pour son application et sa facilité. Les maîtres et les examinateurs conçurent à son sujet les plus hautes espérances. Au commencement de la seconde année, la violence animale de sa nature, jusque-là contenue par l’étude, se fit jour. Le travail lui étant devenu facile, il passait ses heures de loisir dans des banquets qui n’avaient rien de commun avec celui de Socrate. Il tomba dans une société d’oisifs et de buveurs. L’autorité se montra d’abord paternelle et n’eut recours qu’aux avertissements ; car on avait du respect pour sa capacité, et on espérait qu’il ferait un jour honneur à l’Université. Mais aucun moyen ne réussit ; un jour il eut l’audace de se présenter ivre à un examen. Il fut chassé. Il revint fort triste à la maison paternelle, car, malgré toutes ses extravagances, il avait un bon cœur. Pendant une année, éloigné de tout mauvais exemple, il se conduisit d’une façon irréprochable. Il fut admis comme sous-maître dans l’école où il avait été élevé ; mais l’école se trouvait dans une grande ville. John Burley devint membre d’un club composé de commerçants ; il allait y passer trois soirées par semaine. Il fut bientôt l’oracle du club ; et cette réunion qui était auparavant un modèle de sobriété et de calme, où les graves pères de famille venaient fumer leur cigare, devint, sous les auspices de M. Burley, le théâtre d’orgies joyeuses et frénétiques. Le sous-maître fut bientôt remercié. Heureusement pour la conscience de John Burley, son père mourut avant cet événement, avec la conviction que son fils s’était corrigé. Pendant son