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davantage. Ce père doit ressembler à ceux dont j’ai vu le portrait dans les livres. Qu’il l’ait aimée, séduite… je le comprends ; mais la quitter, l’abandonner ! ne pas même aller visiter sa tombe… n’éprouver aucun remords ; ne faire aucune recherche pour retrouver son propre enfant ! Mistress Avenel a eu raison. Ne pensons plus à lui. »

Le domestique du docteur frappa en ce moment à la porte, et introduisit sa tête dans le cabinet.

« Monsieur, dit-il, ces dames s’impatientent ; elles disent qu’elles vont s’en aller.

— Monsieur, dit Léonard, revenant avec un calme étrange aux choses qui l’entouraient, je vous demande pardon de vous avoir retenu si longtemps. Je pars. Je ne dirai rien à ma mè… à mistress Fairfield, veux-je dire, ni à personne de ce que je viens d’apprendre. Je travaillerai moi-même à me frayer une route dans la vie. Si M. Prickett veut me garder, je resterai chez lui ; je ne saurais accepter, je le répète, l’argent de mistress Avenel, ni me faire apprenti. Monsieur, vous avez été bien bon et bien indulgent pour moi. Que le ciel vous en récompense ! »

Le docteur était trop ému pour pouvoir répondre ; il serra la main de Léonard, et quelques instants après la porte se refermait sur le jeune homme sans nom. Il se trouvait seul dans les rues de Londres, et le soleil brillait au-dessus de sa tête d’un éclat rouge et menaçant comme l’œil d’un ennemi.


CHAPITRE LIV.

Léonard ne parut pas à la boutique de M. Prickett ce jour-là. Il est inutile de dire où il erra, ce qu’il souffrit, ce qu’il pensa, ce qu’il sentit. Toutes les tempêtes étaient déchaînées dans son cœur ; il ne rentra que très-tard. Sur sa table était le rosier d’Hélène, qui semblait desséché et fané ; son cœur en fut attristé ; il arrosa la pauvre plante… peut-être de ses larmes.

Pendant ce temps le docteur Morgan, après avoir longtemps débattu en lui-même s’il convenait ou non d’instruire mistress Avenel de la découverte qu’avait faite Léonard et du message dont celui-ci l’avait chargé pour elle, décida qu’il valait mieux lui épargner une inquiétude et un motif d’alarmes qui pouvaient compromettre sa santé. Il répondit brièvement qu’elle n’avait pas à craindre de voir Léonard arriver chez elle, qu’il n’était pas disposé à entrer en apprentissage et qu’il était pourvu pour le moment. Dans quelques semaines, ajoutait M. Morgan, quand il aurait reçu plus de renseignements du commerçant chez lequel il était employé, il lui écrirait