« Puisque vous en savez tant, reprit-il enfin, mieux vaut, à coup sûr, que vous sachiez tout. »
Le docteur entra alors dans le détail de certains événements que nous ne raconterons que sommairement, d’après son propre récit.
« Nora Avenel était encore très-jeune lorsqu’elle quitta son village natal, ou plutôt la maison de lady Lansmere, qui l’avait élevée et instruite pour devenir la compagne d’une dame de Londres. Un soir, elle revint tout à coup dans la maison paternelle et, à l’aspect de sa mère, tomba sur le carreau sans mouvement. On la porta sur un lit. Le docteur Morgan, qui était alors le principal médecin de la ville fut mandé, et cette même nuit Léonard vint au monde, et sa mère mourut, sans avoir ni repris ses sens ni prononcé une seule parole intelligible, et par conséquent nous ignorâmes le nom de votre père, nous n’avons jamais su qui il était.
— Comment se fait-il alors, s’écria Léonard avec exaltation comment se fait-il qu’on ait osé calomnier la mémoire de ma mère ? Comment a-t-on su que je… je… je n’étais pas un enfant légitime ?
— Nora ne portait pas d’alliance ; jamais on n’avait entendu parler de son mariage… son étrange et soudaine apparition dans la maison de son père… son émotion en y entrant, émotion qui n’était point celle d’une épouse qui vient revoir ses parents… tout parlait contre elle. Mistress Avenel vit là de fortes présomptions d’une faute ; je pensai comme elle. Vous avez le droit de penser que nous nous sommes trompés : cela peut être.
— Et l’on n’a jamais fait de recherches ? dit Léonard, accablé de tristesse, on n’a jamais fait de recherches pour connaître le père de cet enfant privé de sa mère ?
— Des recherches ! mistress Avenel en serait morte ! Votre grand’mère est très-austère ; fût-elle descendue d’une lignée princière, de Cadwallader lui-même, dit le Gallois, elle ne frémirait pas davantage à l’idée du déshonneur ! Même en présence du cadavre de sa fille, de l’enfant qu’elle avait le plus aimée, elle ne songea qu’à sauver la réputation de la morte et à mettre sa mémoire à l’abri de tout soupçon. Il n’y avait heureusement dans la maison aucun domestique : personne que Mark Fairfield et sa femme (la sœur de Nora) ; ils étaient arrivés ce jour-là même. Mistress Fairfield nourrissait alors son propre enfant, qui avait deux ou trois mois : elle se chargea de vous. Nora fut enterrée et le secret gardé. Personne en dehors de la famille ne le connut, excepté moi et M. Dale. Le lendemain de votre naissance, mistress Fairfield, pour empêcher tout soupçon, se transporta dans un village, situé à quelque distance. Lorsqu’elle revint à Hazeldean, elle vous fit passer pour le fils qu’elle avait perdu. Mark, je le sais, fut pour vous comme un père ; car il avait aimé Nora ; ils s’étaient connus enfants.
— Et elle était venue à Londres… dans cette ville tumultueuse et impitoyable ! murmura Léonard. Elle était sans amis ; elle fut trompée dans ses espérances. Je devine tout. Je ne veux pas en savoir