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mençaient par Les… ces lords demeuraient presque tous dans la même quartier, dans le voisinage de Mayfair. Il y dirigea pas, et demanda dans les boutiques voisines le signalement de ces lords ; eu égard à sa tournure de paysan on lui fit des réponses claires et polies. Mais aucun des lords en question ne ressemblait au portrait qu’Hélène avait tracé du protecteur de son père. L’un était vieux ; un autre très-corpulent, un troisième invalide. Aucun d’eux n’était connu pour avoir un gros chien. Il est inutile de dire que le nom de lord L’Estrange ne se trouvait pas dans l’Almanach royal, et le docteur Morgan ayant dit à Léonard que ce personnage était toujours à l’étranger, le jeune homme oublia malheureusement le nom que l’homœopathe n’avait prononcé qu’en passant. Cependant Hélène ne parut pas désappointée, quand son jeune protecteur revint fort tard et lui fit part du mauvais succès de ses démarches. La pauvre enfant ! elle était si heureuse de n’être pas encore séparée de son nouveau frère. Léonard fut touché de voir combien en son absence elle avait fait d’efforts pour rendre commode et agréable la chambre nue qu’il occupait. Elle avait mis en ordre ses quelques livres et ses papiers, près de la fenêtre, en face de l’orme vert. Elle avait, par ses caresses, amené la bonne propriétaire à lui donner un ou deux meubles extra, entre autres un bureau en noyer, puis quelques bouts de ruban qui lui avaient servi à attacher les rideaux. Jusqu’aux vieilles chaises de jonc empruntaient une certaine élégance à la manière dont elles étaient placées. Les fées avaient douée cette douce Hélène de l’art d’embellir un intérieur et de donner de la grâce à la plus misérable mansarde.

Léonard, rempli d’admiration, complimenta la jeune fille. Il déposa un baiser de reconnaissance sur le front rougissant de son aimable compagne ; et tous deux se placèrent avec joie devant leur frugal repas : tout à coup le visage de Léonard se voila d’un sombre nuage ; les paroles du docteur Morgan lui étaient revenues à l’esprit. « La jeune fille ne peut pas rester avec vous, avait dit le docteur… c’est déplacé, c’est absurde. Je crois connaître une dame qui se chargera d’elle. »

« Ah ! s’écria Léonard plein de tristesse, comment ai-je pu l’oublier ? » Et il raconta à Hélène la cause de son chagrin. Hélène commença par s’écrier qu’elle ne s’en irait pas. Léonard, enchanté, se mit à lui parler comme toujours de ses projets d’avenir ; puis, se hâtant de terminer son repas, comme s’il n’avait pas un moment à perdre, il s’assit tout à coup devant ses papiers. Hélène le contempla d’un air mélancolique, lorsqu’elle le vit se pencher sur son travail favori. Le jeune homme, aussitôt, levant un visage radieux de dessus ses manuscrits, s’écria : « Non, non, vous ne vous en irez pas. Il faut que ceci réussisse : nous irons vivre ensemble dans quelque petite maison de campagne, où nous pourrons voir plus d’un arbre. » Hélène soupira, et cette fois elle ne répondit plus : je ne m’en irai pas.

Peu d’instants après, elle quitta la chambre de Léonard pour se