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pentier. Ils voyaient les oiseaux chercher un refuge dans ses branches ; ils entendaient même, quand s’élevait une légère brise, l’agréable bruissement de son feuillage.

Léonard se rendit le soir même à l’ancien domicile du capitaine Digby ; mais il ne put s’y procurer aucun renseignement de nature à le mettre sur la trace de quelque protecteur d’Hélène. Les gens de la maison le reçurent assez mal, disant que le capitaine leur redevait une livre et dix-sept shillings. Cette réclamation lui parut très-contestable et fut énergiquement repoussée par Hélène. Le lendemain matin, Léonard se mit à la recherche du docteur Morgan. Il s’adressa, pour avoir l’adresse du docteur, au pharmacien le plus voisin. Celui-ci eut l’obligeance de regarder dans l’almanach royal, et il dirigea Léonard vers une maison de Bulstrode-Street, Manchester-Square. Léonard réussit à trouver la rue, s’étonnant, chemin faisant, de l’aspect misérable de Londres ; Screwstown lui paraissait beaucoup plus beau.

Un domestique, aux vêtements râpés, ouvrit la porte, et Léonard remarqua que l’antichambre était encombrée de malles, de caisses et de paquets de toutes sortes. Il fut introduit dans une petite pièce où se trouvait une grande table ronde, sur laquelle étaient différents traités d’homœopathie, le Plutarque de Parry, les Recherches celtiques de Davies, et un journal du dimanche. Le portrait de l’illustre Hahnemann occupait la place d’honneur au-dessus de la cheminée. Au bout de quelques instants, la porte qui conduisait dans les appartements s’ouvrit, et le docteur Morgan parut.

« Veuillez entrer, monsieur, » dit-il poliment.

Le docteur s’assit à son bureau, jeta un coup d’œil rapide sur Léonard, puis sur un énorme chronomètre posé sur la table.

« J’ai peu de temps à moi, monsieur. Je vais partir pour l’étranger, et maintenant voici les malades qui affluent ! Il est trop tard ! Londres se repentira de son indifférence ! »

Le docteur s’arrêta majestueusement ; et, ne remarquant pas sur le visage de Léonard la tristesse qu’il espérait y lire, il reprit d’un ton bourru :

« Je vais partir pour l’étranger, monsieur, mais je puis faire le diagnostic de votre maladie et le laisser à mon successeur. Hum ! cheveux châtains ; des yeux… quelle couleur, voyons, regardez par ici, bleu, bleu foncé. Hum ! constitution nerveuse. Quels sont les symptômes ?

— Monsieur, commença Léonard, une petite fille…

Le docteur Morgan (avec impatience). Laissons là la petite fille ! Je ne vous demande pas l’histoire de votre maladie ; attachons-nous aux symptômes… attachons-nous aux symptômes !

Léonard. Vous ne me comprenez pas, docteur. Il ne s’agit pas de moi. Une petite fille….

Le docteur Morgan. Encore la petite fille ! Je comprends ! c’est elle qui est malade. Faut-il que j’aille la voir ? Il est indispensable qu’elle m’explique elle-même les symptômes de son mal. Je ne puis juger