Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 1.djvu/273

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Une fois pour toutes, je le dis clairement et sans équivoque, n’y comptez jamais ; comptez d’ailleurs sur tout ce que je pourrai faire pour vous, et pardonnez-moi, si mes conseils sont quelquefois rudes, et mes réprimandes sévères, attribuez-le à l’intérêt que m’inspire votre carrière. En outre, avant que de regarder une décision comme irrévocable, je désire que vous sachiez par expérience combien a de désagréments et même d’humiliations à subir au début, celui qui sans fortune et sans position désire s’élever dans la vie politique. Je ne considérerai votre choix comme définitif qu’à la fin de l’année ; votre nom restera inscrit jusqu’à cette époque sur les registres d’Oxford si, après expérience faite, vous préférez retourner à Oxford et marcher plus lentement, mais plus sûrement dans le chemin qui mène à l’indépendance et à la distinction, vous le pourrez. Maintenant, monsieur Leslie, donnez-moi la main pour me prouver que vous me pardonnez ma rudesse ; il est temps de s’habiller. »

Egerton rentra dans sa chambre.

« Monsieur, lui dit son domestique, qui l’attendait, M. Lévy est ici… vous lui avez, dit-il, donné rendez-vous, et M. Grinders vient d’arriver de la campagne.

— Faites entrer M. Grinders tout de suite, dit Egerton en s’asseyant. Vous n’avez pas besoin d’attendre ; je m’habillerai sans vous. Dites à M. Lévy que je le verrai dans cinq minutes. »

M. Grinders était l’intendant d’Audley Egerton.

M. Lévy était un fort bel homme, qui portait un camélia à sa boutonnière, menait un cheval fringant qui lui avait coûté deux cents livres, était bien connu des jeunes gens à la mode et considéré par leurs pères comme une relation fort dangereuse.


CHAPITRE XLVIII.

Lorsque les invités furent réunis dans les salons, M. Egerton présenta Randal Leslie à ses éminents collègues et amis, d’une manière qui contrastait étrangement avec le ton froid et sévère dont il lui avait parlé en particulier. La présentation fut faite avec cette cordialité, ce respect gracieux par lequel ceux qui sont dans une haute position commandent l’attention pour ceux qui ont leur position à faire.

Leslie fut reçu avec cette courtoisie charmante qui est le To Kalon d’une aristocratie.

Après le dîner la conversation tomba sur la politique. Randal écouta avec attention et en silence jusqu’au moment où Egerton lui fournit, avec bonté, l’occasion de parler tout juste assez pour montrer son intelligence, sans l’exposer au reproche de vouloir faire la loi.