mais… puis elle laissa retomber sa tête… mais il n’y a d’habitations pour nous que dans les cours et dans les ruelles.
— Pourquoi ?
— Pourquoi ? répéta Hélène en souriant, et elle leva la bourse en l’air.
— Ah ! mon Dieu ! toujours la maudite bourse ! comme si nous n’allions pas la remplir bientôt. Ne vous ai-je pas raconté l’histoire de Fortunio ? Eh bien ! à tout hasard, nous irons d’abord dans le quartier que vous habitiez et nous prendrons là tous les renseignements possibles ; après-demain, j’irai voir le docteur Morgan et je découvrirai votre lord. »
Des larmes mouillèrent les doux yeux d’Hélène. « Vous êtes bien pressé de vous défaire de moi, mon frère ?
— Moi ! mais je me sens si heureux d’être avec vous, qu’il me semble que je vous revois après avoir soupiré toute ma vie après vous ; car je n’ai jamais eu ni frère, ni sœur, ni personne à aimer qui ne fût plus âgé que moi, excepté….
— Excepté la petite fille dont vous m’avez parlé, dit Hélène en détournant son visage, car les enfants sont très-jaloux.
— Oui, je l’ai aimée et je l’aime encore. Mais c’était bien différent, dit Léonard. Je n’aurais jamais pu lui parler comme je vous parle ; à vous, je vous ouvre mon cœur tout entier ; vous êtes ma petite muse, Hélène ; je vous confie mes caprices et mes rêves aussi franchement que si j’écrivais. » Comme il disait ces mots, on entendit un bruit de pas, et une ombre s’étendit sur l’onde du ruisseau. Un pêcheur attardé apparut sur la rive, promenant avec impudence sa ligne dans l’eau, comme s’il voulait amener de force à l’hameçon quelque poisson assoupi avant que la bête ne se couchât définitivement pour la nuit. Tout entier à son occupation, le pêcheur ne remarqua pas les deux enfants assis à l’ombre du grand arbre, bien qu’il s’arrêtât tout près d’eux.
« Maudite soit la perche ! dit-il tout haut.
— Prenez garde, monsieur, » s’écria Léonard ; car le pêcheur, en se reculant, avait failli marcher sur Hélène.
Le pêcheur se retourna.
« Qu’y a-t-il ? Allons, bon ! voilà que vous avez effrayé ma perche. Restez tranquilles, si cela se peut. »
Hélène se recula ; Léonard ne bougea pas ; il songea à Jackeymo, et se sentit de la sympathie pour le pêcheur.
« C’est la perche la plus extraordinaire qu’on ait jamais vue, dit le pêcheur en se parlant à lui-même. Elle a une chance du diable ! Il faut qu’elle soit née coiffée, la maudite bête ! Je ne la prendrai jamais, non jamais. Ah ! la voilà ! eh non ! ce n’est que de l’herbe. J’y renonce. » Puis il retira avec humeur sa ligne de l’eau et se mit à la démonter, tout en se tournant vers Léonard à qui il dit :
« Connaissez-vous bien cette rivière, monsieur ?
— Non, répondit Léonard, c’est la première fois que je la vois.
Le pêcheur (d’un ton solennel). Eh bien ! jeune homme, suivez