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parfois Léonard se disposait à toucher à quelque chose qui était sacré pour elle, elle lui retirait vivement l’objet. Il trouva de nombreuses quittances au nom du capitaine Digby ; de vieilles partitions pour la flûte ; divers rôles de ces comédies où les héros professent le plus noble mépris pour l’argent. Il y avait aussi des reconnaissances de mont-de-piété, puis deux ou trois lettres chiffonnées ; on eût dit que des mains crispées par la colère les avaient froissées. Il demanda à Hélène la permission de les lire, car elles pouvaient lui fournir d’utiles éclaircissements. Hélène, baissant silencieusement la tête, lui fit signe qu’elle le lui permettait. Les lettres ne contenaient que de laconiques et glaciales réponses de quelques parents éloignés, d’anciens amis, ou de personnes auxquelles s’était adressé le défunt dans des circonstances difficiles. Toutes étaient d’un ton décourageant. Léonard insista encore auprès d’Hélène pour qu’elle s’efforçât de retrouver le nom du noble personnage dont son père avait parlé dans ses derniers moments ; mais il échoua complètement, car il est bon de rappeler que lorsque lord L’Estrange avait insisté pour faire accepter son prêt à M. Digby, et lui avait dit ensuite de s’adresser à lui cnez M. Egerton, il avait, par un sentiment naturel de délicatesse, écarté l’enfant, afin qu’elle ne fût pas témoin de la charité faite à son père ; et Hélène disait vrai en affirmant que M. Digby, dans ces derniers temps, avait pris l’habitude de garder un silence absolu sur toutes ses affaires. Elle pouvait avoir entendu son père prononcer le nom de l’étranger, mais elle ne l’avait pas retenu ; tout ce qu’elle put dire, c’est qu’elle reconnaîtrait facilement celui-ci, si elle le rencontrait, et son chien aussi. Léonard voyant que la jeune fille était plus calme, se disposa à quitter la chambre pour aller s’entretenir avec la maîtresse de la maison ; mais tout à coup l’enfant se leva, et mit doucement sa main dans la sienne comme pour le retenir. Elle ne prononça pas une parole ; ce mouvement était assez éloquent, il disait : « Ne m’abandonnez pas. » Léonard, ému, répondit au mouvement de la jeune fille en déposant un baiser sur son front. « Pauvre orpheline, dit-il, voulez-vous venir avec moi ? Nous n’avons qu’un seul et même ami tous les deux ; il nous guidera sur la terre. Comme vous, je n’ai plus de père. » Elle leva les yeux, le regarda longtemps, puis appuya la tête d’un air confiant sur sa jeune et robuste épaule.


CHAPITRE XLIII.

te même jour à midi le jeune homme et l’enfant étaient sur la route de Londres. L’aubergiste avait d’abord hésite beaucoup à confier Hélène à un si jeune protecteur : mais Léonard, dans son heu-