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de se livrer au repos ; car il avait beaucoup d’habitudes étranges, et il aimait à regarder dans les ténèbres de la nuit quand il priait.

Après sa prière, il s’apprêtait, tout en rêvant, à fermer sa fenêtre, lorsqu’il entendit distinctement près de lui quelqu’un qui sanglotait. Il s’arrêta et retint sa respiration ; il regarda doucement au dehors ; la fenêtre, voisine de la sienne, était ouverte. Il y avait donc quelqu’un qui veillait aussi à cette fenêtre, qui priait aussi peut-être. Il prêta une oreille plus attentive encore, et il entendit une voix douce prononcer tout bas ces mots :

« Mon père ! mon père ! m’entendez-vous ? »


CHAPITRE XLII.

Léonard ouvrit sa porte et se glissa vers celle de la chambre voisine. Le premier mouvement de son cœur avait été d’entrer et d’offrir à l’enfant des consolations. Mais lorsqu’il eut la main sur le loquet, il recula ; quoique la pauvre orpheline ne fût qu’un enfant, son sexe rendait encore son chagrin plus sacré et devait la protéger contre toute intrusion indiscrète. Quelque chose dans sa naïve ignorance, il ne savait pas quoi, le retint au seuil de la porte. Le franchir lui eût paru une profanation ; il rentra donc dans sa chambre, où pendant quelques heures il entendit encore des sanglots : enfin ils cessèrent ; l’enfant s’était endormie dans ses larmes.

Le lendemain matin, quand il eut entendu du bruit dans la chambre voisine, il frappa doucement à la porte et ne reçut pas de réponse. Il entra doucement ; il trouva l’enfant assise au milieu de la chambre : on voyait bien qu’elle n’avait pas là d’habitudes, de coin familier ; ses mains reposaient sur ses genoux, et ses yeux étaient tristement baissés. Il s’approcha et lui adressa la parole.

Hélène était fatiguée et silencieuse. La source de ses larmes semblait tarie ; elle fut longtemps sans manifester par aucun signe ou par aucun geste qu’elle eût remarqué la présence de Léonard. À la fin cependant le jeune homme réussit à éveiller sa curiosité ; elle remua les lèvres, puis ses yeux se mouillèrent ; c’était évidemment là un premier succès.

Peu à peu Léonard gagna sa confiance, et elle lui raconta l’histoire si simple de sa vie, souvent interrompue par ses sanglots.

Elle pleurait celui qui avait été l’objet de ses soins, de sa sollicitude et de son amour ; car elle avait été plutôt la protectrice du pauvre défunt qu’elle n’avait été protégée par lui. Léonard ne put tirer de la jeune fille d’autres renseignements que ceux qu’il tenait de la maîtresse de l’auberge ; mais elle lui permit implicitement de jeter un coup d’œil sur les effets que son père avait laissés ; seulement, quand